‘Iyâzî déclara : « Quatre-vingt-dix fois je suis allé au combat sans armure, dans l’espoir d’être mortellement blessé.
« J’allai sans armure à la rencontre des flèches, afin de pouvoir recevoir une blessure mortelle d’une flèche.
« Nul autre qu’un heureux martyr ne parvient au bonheur de recevoir une blessure de flèche dans la gorge ou un endroit vital.
« Aucun endroit de mon corps n’est dépourvu de blessures ; mon corps est comme un tamis à force d’avoir été percé de flèches ;
« Mais les flèches n’ont jamais frappé un endroit vital ; c’est là une affaire de chance, non de bravoure ou de ruse.
« Quand je vis que le martyre n’était pas mon destin, j’entrai immédiatement dans une retraite (religieuse) et commençai un jeûne de quarante jours.
« Je me jetai dans la plus grande guerre, qui consiste à pratiquer des austérités et devenir maigre.
« Un jour, le son des tambours des combattants de la guerre sainte parvint à mes oreilles, car l’armée courageuse était en marche.
« Mon âme charnelle me cria de l’intérieur ; à l’aube, j’entendis sa voix dans mon oreille corporelle,
« Disant : « Lève-toi ! C’est le moment de se battre ! Va, consacre-toi au combat dans la guerre sainte ! »
« Je lui répondis : « Ô mauvaise âme perfide, d’où te vient ce désir de combattre ?
« Dis-moi la vérité, ô mon âme ! C’est là une ruse. Autrement (pourquoi voudrais-tu te battre) ? L’âme charnelle est dépourvue d’obéissance.
« A moins que tu ne dises la vérité, je t’attaquerai, je te tourmenterai plus durement que dans les mortifications. »
« Alors mon âme, sans paroles, me cria perfidement de l’intérieur de moi-même :
« Ici, tu me tues chaque jour, tu mets mon esprit au supplice, comme les esprits des infidèles,
« Personne ne connaît mon tourment – comme tu me tues en me gardant sans sommeil et sans nourriture.
« Dans la guerre, j’échapperais à ton corps d’un seul coup, et les gens seraient témoins de ma bravoure et de mon sacrifice. »
« Je répondis : « Ô mauvaise âme, tu as vécu en hypocrite et tu mourras en hypocrite : qu’es-tu donc ?
« Dans les deux mondes, tu as été une hypocrite, dans les deux mondes, tu es une créature vile. »
« Je fis le vœu de ne plus jamais sortir de la retraite, étant donné que ce corps est vivant.
« Parce que tout ce que le corps fait dans la retraite est fait sans s’occuper des hommes et des femmes.
« Parce que, durant la retraite, tous ses mouvements et son repos ne sont que pour l’amour de Dieu. » MATHNAWÎ Livre cinquième 3780-3801