DE L'UNICITÉ
(Tawhid)
« Au nom de Celui qui a donné à l'âme ,la lumière de la foi à l'intellect.
Il a donné la certitude dans la connaissance de Dieu(swt) !
Un Dieu auquel le monde doit sa magnificence au ciel et à la terre
Il a assigné leur position de dominant et de dominé
C'est à Lui que les deux mondes doivent la parure de l'existence
par Lui le ciel se trouva placé en haut et la terre en bas
(Pour L'adorer) le ciel se tient incliné devant Lui la terre se tient prosternée
D'écume et de sang II a créé l'homme du KAF et du NUN
Il a créé le ciel et la terre D'une fumée
Il a créé la coupole azurée par une boule de suif
Il a donné la vue au narcisse
Il a rendu le dard d'un insecte pareil à l'épée de l'Emir des Croyants de la même manière il fit d'une araignée un chambellan d'un peu de terre.
Il a suscité la réalité adamique d'un souffle
Il a fait naître Jésus` fils de Marie du sang.
Il fait venir le musc et de la canne annelée le sucre de la pluie
Il fait venir les perles fines et de la mine les belles gemmes
Un (Dieu) qui est le Premier et qui n'a pas de précédent un (Dieu) qui est le Dernier et qui n'a point de fin
Un (Dieu) Apparent qui est Caché par sa manifestation.
un (Dieu) caché qui est plus manifeste que la lumière
Jamais Sa Seigneurie n'a connu de début Son royaume ne connaît ni limite ni fin
Un Dieu qui Lui sait qu'Il est ainsi qu'Il est en dehors de tout ce que je saisis
Puisque c'est Lui qui a créé notre vue et notre savoir qui pourrait Le connaître qui pourrait Le voir ?
Nul n'a d'indice sur l'essence de Son ipseïté car Il est et n'est pas tout ce que tu dis
Quand bien même notre âme pénètrerait la Voie elle ne pourra pourtant jamais atteindre Son Essence (Inconditionnée)
Puisque je ne peux comprendre ce qu'est mon âme comment pourrai-je savoir ce qu'est l'Essence divine !
Il a plongé l'âme dans un si profond mystère qu'à quiconque Il n'en confia jamais le secret
Par l'âme ton corps est vivant mais l'âme est cachée tu vis grâce à elle et d'elle tu ne sais rien
(Devant) un artifice (à la fois) caché et manifeste si ce n'est se taire que peut-on faire ?
Combien de milliers de fils ai-je démêlés j'ai atteint ce degré de réserve absolue
Puisqu'il ne t'est possible d'accéder à son Essence console-toi en contemplant la beauté de la création !
Si tu as quelque aptitude dans les arts échappe-toi du carcan des quatre humeurs
Ton Seigneur n'a manqué à aucune oeuvre comment d'un élément peux-tu faire un dieu !
S'il s'agit de l'eau prive-la de l'élément humide expose-la au feu et tu pourras en rire
S'il s'agit de la terre répands-en devant le seuil piétine-la et regarde-la de haut
Sil s'agit du vent considère le perturbation laisse le vent s'apaiser et prend le pour du vent
S'il s'agit du feu asperge-le avec de l'eau l'ayant arrosé de lui plus de trace
Tu as une nature droite ne soit point dissimulateur Il n'est pas un élément sois un homme de Dieu
Puisque dans les Deux Demeures il n'y a qu'un Dieu pourquoi te préoccuper des quatre éléments
Invoque le Un désire le Un cherche le Un vois le Un connais le Un et affirme qu'il est Un
Que ce soit au début que ce soit à la fin tout ceci n'est qu'une seule chose hélas les yeux de l'homme voient double
Regarde comme chaque atome n'a de cesse de tourner pour Sa gloire récitant Ses louanges
Vois le Bienfait et la Grâce du Constructeur car chaque atome a un lien secret avec Lui
Vois le nom et vois le signifié tout est Toi je n'ai de cesse de dire « o Toi o Toi qui es tout »
Je ne vois point au monde le moindre segment de cheveu qui ne soit avec Toi face à face
Si notre face n'était tournée vers Toi un seul cheveu nous anéantirait
Si Tu n'envoyais point Ta Grâce à notre secours pas le moindre atome ne subsisterait
Par Toi toute chose perdure et Tu es caché Tu es au coeur de notre âme et en dehors du monde
Toutes les âmes à cause de Toi sont déconcertées Tu demeures avec nous dans le for de notre c?ur
A Ta Volonté nul n'a vu de limite et de fin Tu es dans l'âme et l'âme invisible
Le monde est plein de Toi et Tu n'es pas dans le monde tout s'infond en Toi et Tu n'es point au centre
Immuablement Tu es caché Tu es manifeste, jamais Tu n'es au dedans jamais Tu n'es au dehors
Ton silence est causé par Ta Loquacité Ton abscondité est causée par Ta visibilité
Tu es le Signifié en dehors de Toi est le nom Tu es le Trésor le monde entier est le talisman
Vois la Sublimité l'Immancence et la Lumière de cette Essence qui irradie chaque parcelle d'atome
En chaque atome je vois Ta Présence je vois les deux mondes en même temps que la Face d'Allàh
En Ta Présence il ne peut y avoir de deuxième le cosmos tout entier c'est Toi et Ta Toute-Puissance
Nombreux sont ceux qui à cause de Toi ont perdu conscience d'eux-mêmes par Toi subsistent les deux mondes Tu subsistes par Toi-même
De Ta Présence toute chose est l'ombre portée toute chose est un témoin de Ton acte créateur de Ta Puissance
Le monde de la raison et l'esprit sont déconcertés Tu es ainsi occulté par le voile
Ta Renommée emplit le monde (mais) de Toi point de trace la raison Te conçoit mais Tu n'es pas visible
Concevable pour l'intellect inconcevable pour l'ima*gination qu'Allâh soit exalté que Sa Lumière soit exaltée !
Hormis Toi je ne vois d'autre chose puisque Tu es comment y aurait-il un autre (étant)
Parole d'or que celle de celui qui a dit à propos de l'Essence « la réduction à l'Unité (tawhid) c'est le rejet des causes secondes»
Dans cette Unité pourquoi chercher l'Union Tu es Celui qui est cherché et Celui qui cherche combien avons-nous cherché
Quand je viens à tisser la soie de Ton Unicité c'est comme si je voulais défaire (le tissu de) ma vie.
Les formes d'argile moulée apparaissent par milliers quand elles se résorbent en Toi par Toi elles sont purifiées
Un monde de créatures vint et s'en fut qu'elles fussent bonnes ou mauvaises elles gisent sous la terre
Parmi tant de créatures aucune n'a pu comprendre pourquoi elle vint au monde et pourquoi elle l'a quitté
Et quoi qu'elles vivent dans l'illusion elles ne sont que comme Il a voulu qu'elles soient
Ni l'âme ne sait ce qu'est l'âme ni le corps ne sait ce qu'est le corps
Ni l'oreille ne sait ce qu'est l'ouïe ni l'oeil ne sait ce qu'est la vue
Ta langue ne peut saisir comment elle parle et ton corps n'a point conscience de ses capacités
Ni les sphères n'ont conscience de ce mouvement ni les jinns ni l'être humain ni les démons ni les anges
Nombreux sont ceux qui ont pénétré en cette demeure nombreux sont ceux qui en sont sortis
Ni celui qui s'en va n'a percé ce mystère ni celui qui arrive n'en sait plus à ce sujet
On a si bien scellé ce secret sans mystère que nul ne sait en démêler un fil
Comment pourrait-on ouvrir une porte vermoulue personne en effet ne peut y poser un doigt
Sous l'Ordre il faut courber l'échine il n'est d'autre remède que la patience et le silence
Qui dans la Vallée de la Soumission oserait laisser de ses lèvres échapper un murmure d'effroi
Tous il nous faut nous taire nous n'avons pas le choix nul n'est assez hardi pour pousser un soupir
De la goutte recueillie des lombes d'Adam de cette goutte unique Il a créé tout un peuple
Nombreux sont ceux qui ont spéculé sur cette goutte devant sa spécificité ils furent pris de vertige
Dans cette goutte d'eau les arguments ont été engloutis dans cette goutte tous ont été noyés
De cette vallée par milliers ils arrivent assoiffés c'est à genoux qu'ils parviennent à cette Cour
Confessant ta propre faiblesse tu dis « Tu es Pur »
Tu es Celui qui est connu Celui qui connaît Celui qu'on ne peut connaître (tel qu'Il se connaît)
Nombreux sont ceux qui ont discouru sur les deux mondes tous sont restés derrière le voile de la conjecture
Ils parlent et ils parlent je suis en quête depuis bien longtemps je suis homme de Sa Voie
Vois quel prodige cette goutte a engendré d'elle en effet une mer de perles nacrées s'est épanchée
Plus prodigieux encore est cet atome de terre car à sa portée Il a placé le soleil du firmament
Toi qui n'as point l'endurance d'un moucheron comment peux-tu avaler les deux mondes !
O combien ton coeur a-t-il déjà roulé dans le sang ! ceci n'est point comme tu l'imagines
Baste ! Ne poursuis pas de vains espoirs n'outrepasse pas tes limites !
De dépit couvre ta face du voile de l'impuissance et sur tes joues laisse couler les larmes de la nostalgie
Car seule la Vérité (Haqq) O ami est digne de la Vérité qu'y a-t-il à attendre de cette poignée de chair ?
Dieu est Pur et hors d'atteinte de toute souillure toi tu es la poussière du chemin quelle affinité (nesbat) y a-t-il en fait avec la poussière et la pureté
Si du monde une fourmi vient à disparaître qu'aura gagné le monde qu'aura-t-il perdu
Contre cette Porte comme le heurtoir tu cognes la tête une telle tête n'enlèvera rien à cette Porte
Pour cette raison le ciel s'est drapé d'indigo à l'instar du heurtoir en effet il demeure à l'extérieur
Personne n'est plus proche de Dieu que Dieu Lui-même digne de Dieu en effet nul ne l'est si ce n'est Lui
Si quelqu'un te demande « que dis-tu » « si tu n'as rien perdu que cherches-tu » ?
D'abord il faut trouver puis ayant trouvé et l'ayant perdu il faut te mettre à le chercher
Bien fou serait celui qui (penserait) étancher une telle nostalgie que de vies ont été sacrifiées à cause de cette nostalgie
Les âmes des coeurs-sincères se saignent aux quatre veines où se trouve le secret de Son affaire qui le sait !
Vois combien de millénaires durant Iblis n'avait d'autre occupation que la glorification et la sanctification
Il n'a fait qu'une poignée de toutes ses dévotions parce qu'Il se suffit à Lui-même Il laissa le vent l'emporter
Son coeur meurtri devint un abîme de douleur de la malédiction son corps devint la traîne
Lorsque nous vient le souvenir que Dieu se suffit à Lui-même
Lorsque nous nous souvenons nous souffrons le martyre devant la Perséité de Dieu nous crions à l'aide
Si l'Ordre était issu de la Perséité l'espérance des Très Purs tout entière serait anéantie
Lorsque demain devant cette Tribune Suprême retentira le tambour de l'Eternité
Qui donc dans tout l'univers osera présenter cette monnaie de si mauvais aloi
La Suffisance de Dieu n'a besoin de rien toi tu es « rien » que signifie cette parade !
Avec ton rosaire et ta prière tu voudrais que Celui qui n'a besoin de rien soit satisfait de toi !
Ta prière est le viatique d'une longue route mais Lui n'a nul besoin de ta prière
O vaillant compagnon sache de science certaine que s'Il t'a prescrit un devoir Il t'a accordé l'Assistance (tawfiq)
Si l'Assistance de Dieu ne venait nous secourir nul n'aurait jamais vers Dieu l'élan pour Le servir
Vois quel est Son Rang car de la lune au poisson ne subsiste devant Lui qu'un cheveu noir
Vois quelle est Sa Puissance car pour te montrer son pouvoir d'un seul cheveu mille facettes Il te fait voir
Vois combien sa Magnificence est souveraine devant elle la raison et l'intelligence ne sont que fariboles
Vois quelle est Sa Majesté quand elle fond sur une âme elle secoue chacun de ses atomes de cent typhons
Vois quelle est sa Précédence car en cette primauté aucune existence n'était avec Lui
Vois quelle est son Unité qu'un seul cheveu ne saurait s'y glisser et (absorbé) en cette Unité le monde n'a même plus le poids d'un cheveu
Vois la Relation (nesbat) qui au matin des quarante jours fit que dans le piège Sa main plaçait l'appât
Vois quelle est Sa Miséricorde si Iblis un atome en trouvait sur Idris il l'emporterait
Vois quelle est Sa Jalouse Exigence si elle tombait sur l'univers en un instant les deux mondes s'écrouleraient
Vois la Crainte Révérentielle (haybat) (qu'Il inspire) si le soleil en trouvait un atome il se perdrait dans l'ombre éternelle
Vois quelle Evidence Irréfutable (hojjat) en aucune manière il est vrai on ne saurait T'opposer un seul argument
Vois quelle Révérence dans la magnification hormis Toi-même nul n'a d'accès
Vois combien nécessaire apparaît Ton Royaume car on ne saurait lui retrancher ou lui ajouter un iota
Vois quelle Toute Puissance (qodrat) car en un instant s'Il le voulait Il transformerait la terre en cire et le ciel aussi
Vois quel breuvage car le pain lève dans le sang dans l'espoir que « leur Seigneur les abreuvera »
Vois quelle preuve tu peux apporter quand tu veux d'un seul atome du soleil divin
Vois quelle opportunité tu as de faire du monde un brasier avec le soupir de l'amant le monde part en fumée
Vois la Compassion car pour nous de tout temps Tu as donné aux mères la tendresse
Vois le terme car lorsqu'expire le délai le monde avec un seul cheveu est pris au lacet
Vois quel temps car lorsque Tu veux faire un captif avec un seul cheveu Tu prends au lasso tout un monde
Vois le Bienfait à ce point permanent que Toi seul peux en exprimer sans cesse le remerciement
Voit quelle Rigueur lorsqu'Il demande des comptes il n'y a ni moyen d'être loquace ni moyen de se taire
Vois quelle Tolérance car s'Il ne l'avais permis nul n'oserait pousser un soupir
Vois quelle Distance car nombreux sont ceux qui se sont précipités nul ne T'a vu et tous ont disparu
Vois quelle Béatitude car le Plérôme Suprême ne cesse de s'émerveiller de cette théophanie
Vois la Félicité dont les innocents purifiés de l'âme rendent l'arôme parfumé
Tous nous sommes démunis et déconcertés aie pitié de notre impuissance
Quand dans le berceau de la tombe nous sommes jetés nous naissons dans l'autre monde comme des nouveau-nés
Cette tombe est un étroit berceau et le linceul comme une pierre nous oppresse
Inquisiteurs les deux Noirs y pénètrent et bercent notre berceau sépulcral
Comme des bambins dans cette étreinte cruelle d'effroi et de crainte nous frémissons devant les deux Noirs
Nous n'avons plus ni mère ni ami tout un monde nous a tourné le dos
L'étranger comme le frère de sang tous nous ont abandonnés comme des bambins nous voici au seuil d'un périlleux chemin
Comme des enfants qui ne connaissent rien en ce monde, vois de quel effroi nous sommes glacés
Puisqu'il nous faut séjourner quelque temps dans la tombe o Toi qui es Pur garde nous des Noirs !
Ils nous demandent « quel est ton Seigneur quelle est ta religion » o Dieu inspire nous la réponse attendue !
Puisque Tu nous as Toi-même élevés dans la tendresse ne nous abandonnes pas aux mains des Noirs
Si Tu ne nous enseignes point la formule combien longue sera l'étape combien dure sera l'épreuve
Jusqu'à la fin des temps ce tourment ne nous quittera je ne sais jusqu'à quand il nous torturera
O Dieu nous sommes tous égarés nous avons souffert et notre coeur s'est obscurci
De la tête aux pieds nous sommes noeud sur n?ud que ce soit la tête que ce soient les pieds nous ne sommes que néant sur néant
N'as Tu point un coeur pour nous consoler ? que Ton coeur une fois s'émeuve de notre désarroi
Puisque Tu n'as point de coeur comment peut-il s'émouvoir de notre détresse que dis-je ! Tu es le Maître des coeurs !
O Dieu me voici démuni moi aussi (plongé) en cette méditation mon coeur n'est plus que lambeaux
Certes si mon corps ne possède pas de signe de Toi Tu n'es à aucun instant caché à mon âme
Tu es le secret intime de mon intelligence de mon esprit à cause de cela ma langue déverse des perles (d'éloquence)
Du monde certes Tu n'as nul besoin je n'en dirai pas plus « wa Allahu 'alam » et Dieu est plus savant.
Farid ud Din Attar, Asrâr-Nâma (?Le Livre des Secrets?)