««Sallam à tous !
Connaissez-vous Muhammad khalifa Niass : avocat, défenseur de la Tariqatou Tijaniyya
"Muhammad Niasse (1881-1956) et sa réplique contre le
pamphlet anti-tijani de Ibn Mayaba," in Jean-Louis Triaud et David
Robinson (eds.)
La Tijaniyya: une confrérie musulmane à la conquête de l'Afrique. (Paris: Karthala, 2000. pp. 219-36)
" Hardtou nafssi ila Tihani wa darbiduna cheikhina Tijâni "
J’ai tiré de ma propre sensibilité l’épée indienne ancrée et empoisonnée de substance
En position de me sanctifier à tout combat de science
À l’encontre de tout révolté contre Seydi Ahmad Tidjani
Pour effective que soit la propagation de la tariqa d’Ahmad al Tijani dans le Sahara occidental et en Afrique subsaharienne à partir du XIXe siècle, elle ne s’est pas sans que cette Tariqa ne prête flanc aux accusations d’hétérodoxie de toutes sortes. Ces critiques furent le fait d’Ulemas Salafis dans le Maghreb, en Egypte, en Mauritanie, mais aussi en Afrique subsaharienne. Sur la masse des traités écrits par les détracteurs de la Tijaniyya, le Mustaha al harif al jani fi zadd zalaqat al Tijani al Jani – publié par Muhammad khidr Ibn Mayaba en 1925 constitue à ne pas douter, le plus long et le plus polémique. Le long pamphlet de Ibn Mayaba à fait l’objet de nombreuses réfutations aussi bien auprès des disciples de la Tijaniya parmi les arabes, les maures, mais aussi les subsahariens. Muhammad Niass a été l’auteur d’un des plus brillantes de ses réfutations.
Pendant tout le temps qu’il écrivait la réfutation, il laissait l’ouvrage dans le débarras de sa maison par mépris pour l’auteur et ne le sortait que pour le lire et formuler une critique en règle. Tout d’abord c’est sous la forme d’un poème constitué de 449 vers dont 407 de son crû, construit sur le mètre arabe de « rajaz» et 42 vers empruntés à différents auteurs qu’il conçu la réplique. Il intitula le poème : «al murfahat al-qutta ila Ibn Mayaba akhi al-tanattu » (« les sabres tranchants dirigés contre Ibn Mayaba l’arrogant »)
Différents indices nous poussent à croire qu’il a dû l’écrire en 1929. Le style elliptique de la réfutation en rendait la compréhension difficile. Pour cette raison, l’auteur entrepris de procéder à une glose intertextuelle du poème qu’il acheva décrire la même année et qui présentait de manière plus détaillé, un certain nombre d’arguments d’Ibn Mayaba ainsi que sa propre réfutation. Il ajouta au titre définitif de sa réfutation, poème et commentaire inclus, l’expression Al-juyush at tulla. Ainsi l’ouvrage est publié d’abord, en 1930, avec le titre définitif : Al-juyush at tulla murfahat al-qutta ila Ibn Mayaba akhi al-tanattu (« les armées d’avant-garde aux sabres tranchants à l’assaut de Ibn Mayaba l’arrogant »). L’auteur cite, tout au long de sa démonstration 36 auteurs différents dont des Sufis mais aussi des Sunnites, afin d’enraciner sa réplique dans la tradition la plus orthodoxe.
Le juyush al tulla
L’intérêt principale du juyush al tulla est qu’il permet de s’informer sur le débat doctrinale entre les critiques dirigées contre la tijaniyya et les réfutations de ces critiques par les Tijanis eux-mêmes, étant entendu que critiques comme réfutations s’efforcent de s’enraciner dans la Sunna. La première édition a été postfacée par un certains nombres de poèmes que les leaders des zawiyas de la tijaniyya marocaines ont écrits pour rendre hommage à Muhammad Niass. Parmi ceux-ci, on peut noter le qadi Sukayridj’ iyashi dont les hommages attestent des liens beaucoup plus étroits qu’on ne le pense. Une grande partie de la polémique, pas seulement de Ibn mayaba, mais des détracteurs de la tijaniyya est axée autour de la critique de la Salat al Fatihi (prière de l’ouvrante). Cette prière, qui vient du Cheikh al Bakri (1492 – 1545) est incluse dans tout les rituels de la Tijanniya : Le lazim récité individuellement après de l’aube (fadjr) et celle de la fin d’après midi (asr), la wazifa récitée collectivement après la prière du Maghrib, en enfin la hadra également récitée collectivement au crépuscule tout les vendredis. Cette polémique porte autant sur l’origine de cette prière que sur la rétribution de sa récitation.
Sur la révélation de la Salat al fatihi
« Ô mon Dieu ! Prie sur notre seigneur Mohammed qui a ouvert ce qui était clos, et qui a clos ce qui a précédé, le soutien de la Vérité par la Vérité et le guide sur Ton droit chemin, ainsi qu'à sa famille, selon sa valeur et à la mesure de son immense dignité »
Selon le sheikh al bakri qui a été le premier à recevoir la « salat al fatihi », cette prière lui est parvenue du ciel comme écrite sur une tablette de lumière. Ibn Mayaba conteste l’idée que la «salat fatihi» ait été révélée en faisant valoir qu’après le prophète(saw), il ne saurait y avoir de révélation (wahy). Muhammad Niass rétorque que le terme « wahy » peut avoir plusieurs significations. Quand le Coran dit : « nous avons révélé à la mère de Moise » , « ton seigneur à révélé à l’abeille », il emploie le terme révélation (wahy) sans qu’il s’agisse de révélation au même sens que les prophètes. Muhammad Niass se scandalise d’abord que Ibn Mayaba critique exclusivement Ahmad al Tijani, et non Sheikh al bakri (1492-1545), qui a reçu la révélation de la salat al fatihi, et il dénonce la jalousie de l’auteur.
Sur la rétribution de la « Salat al fatihi »
En guise de rappel, l’on sait que l’ouvrage de référence sur la tijanniya qu’est le «Jawahir al ma’ani » dispose : « une seule récitation de cette prière est équivalente à toutes les louanges rendues à Dieu dans l’univers, à toutes les remémorations (dhikr) du nom de Dieu, à toutes les supplications petites ou grandes et à 6000 fois le Coran. » à l’instar des Salafis, Ibn Mayaba jugent ces prétentions contraires à l’Islam. Muhammad Niass réplique selon un argumentaire sophistiqué pour défendre le bien-fondé des ces propos. il fait valoir qu’il existe 4 types de lecteurs du Coran :
1- La première catégorie de lecteurs est constituée de gnostiques (arifun bilahi) : qui maîtrisent sur la plan linguistique le Coran et qui se conforment à ses injonctions et s’abstiennent de ses prohibitions. Pour ceux-là, la lecture du Coran a une plus grande rétribution que la récitation de la prière de l’ouvrante ;
2- La deuxième catégorie de lecteurs est constituée de ceux qui maîtrisent parfaitement le Coran, se conforment à ses injonctions et s’abstiennent de ses interdictions sans pour autant être gnostiques. La lecture du Coran est préférable pour eux aussi ;
3- La troisième catégorie est constituée des lecteurs qui lisent le Coran, sans en comprendre le sens, mais tout en suivant ses injonctions et s’abstenant des ses prohibitions. Cette catégorie de obtient une rétribution inferieure, certes à celle des deux premières, mais leur récitation du Coran ne leur porte pas préjudice ;
4- La quatrième catégorie de lecteurs est constituée de personnes qui, non seulement, ne maîtrisent pas la langue arabe et donc pourraient en déformer le sens en le récitant, du fait de leur méconnaissance de la langue, mais en outre, ne se conforment pas à ses commandements. Au sujet de ceux-là, Muhammad Niass rappelle le hadith qui dit : « qu’il est des lecteurs du Coran maudit pas celui-ci » c’est pour cette catégorie de lecteurs qu’une récitation de la prière de l’ouvrante vaut mieux que Six mille récitations du Coran, car, fait valoir l’auteur du «Juyush al tulla», la prière sur le prophète est toujours rétribuée, que soit auteur soit pieux, ou qu’il soit pécheur.
Il conclut : « voilà la preuve que Cheikh Ahmad al Tijani connaissait les différentes les différents catégories de lecteurs, leur hiérarchie, qu’il avait une connaissance parfaite du Coran et de Sunna, connaissance que même certains gnostiques n’avaient pas, à plus forte raison, les Ulamas qui ne prennent que la lettre et non l’esprit ».
Après avoir développé cet argument, Muhammad Niass, pour continuer à démontrer l’idée qu’Ibn Mayaba en veut particulièrement à Ahmad al Tijani, rappelle que le Sheikh Yadali, dans son ouvrage « al wasila al kubra fi salah al din wa al dunya wa al akhira », cite une prière dont la rétribution selon le Sheikh yadali est égale à 100.000 récitations du Coran, en s’étonnant qu’Ibn Mayaba le sache, sans pour autant critiquer ce dernier.
Sur la rétribution des récitants de la «salat al fatihi» à partir de bons actes accomplis par d’autres Musulmans.
Sidi Ahmad Tijani(raa) a dit, en le tenant du prophète(saw), que le récitant de la «salat al fatihi »est rétribué sur les bons actes accomplis par d’autres musulmans. Ibn Mayaba, citant le verset du Coran disant : « que l’homme aura (dans l’au-delà) seulement ce qu’il se sera évertué à mériter », nie que les récitants de la «salat al fatihi» puissent être rétribués sur les bons actes commis par d’autres croyants. (Coran 53-39) Muhammad Niass réplique à cette attaque par la tradition prophétique (hadith) suivant :
«Des anges rapportèrent à Dieu qu’ils avaient vu des hommes qui s’étaient réunis pour l’invoquer (dhikr)
Dieu leur aurait demandé : « Pourquoi est-ce que ces hommes m’invoquent-ils ?
- Par peur pour ton enfer et par convoitise pour ton paradis, Seigneur, lui aurait répondu les anges.
- Ont-ils vu le paradis, leur aurait demandé Dieu ?
- Les anges répondirent que non.
- Quel serait leur attitude, s’ils l’avaient vu, demanda Dieu ?
- Ils vous auraient adoré encore plus, répondirent les anges.
- Ont-ils vu l’enfer ? redemanda Dieu
- Non, répondirent les anges.
- Et s’ils l’avaient vu, redemanda Dieu
- Ils te craindraient encore plus, répondirent les anges.
Dieu répondit aux anges : « je leur pardonne tous leurs péchés. »
Puis, les anges rapportèrent à Dieu qu’une personne se trouvait dans l’assemblée sans faire partie des récitants. Dieu leur aurait alors répondu : « je vous prends à témoin que je leur pardonne car ceux qui sont assis dans la même assemblée que ces récitants ne sauraient être malheureux. »
En citant cet exemple, Muhammad Niass rétorque à Ibn mayaba qu’il est tout à fait possible qu’une personne soit rétribuée pour les actes pieux accomplis par d’autres personnes.
Et Muhammad Niass évoque dans le même ordre d’idées une autre tradition attribuée au Prophète et disant que « celui qui introduit une innovation saine, Dieu l’en rétribuera, ainsi qu’il le rétribuera des actes de tous ceux qui pratiqueront cette innovation, jusqu’au jour du jugement dernier ». Donc en déduit l’auteur du Juyush al tulla, il est tout à fait admissible qu’une personne soit rétribuée pour des actes pieux accomplis par d’autres croyants.
Enfin, Muhammad Niass s’étonne que ce soit Ahmad al Tijani que Ibn Mayaba attaque exclusivement alors que Abu Talib al Makki a tenu des propos du même ordre à savoir que : « qui récite une prière est rétribué par les actes commis par les habitants des cieux et de la terre ». Pourquoi n’a-t-il pas fait l’objet de critique de la part d’Ibn Mayaba ? On se rend ainsi compte que l’auteur au-delà de l‘exercice logique de réplique, essaie en même temps de mobiliser le soutien d’autres personnes que les seuls adeptes de la Tijanniya.
L’accusation de rétention (kitman) dirigée contre le Prophète(saw)
Si la «salat al fatihi» vient du Prophète(saw) comme le disent les Tijanis, et si celui-ci ne l’a pas communiquée à ses compagnons, c’est qu’il la leur a dissimulée à dessein. Le Coran dit pourtant que : « Ceux qui cèlent les preuves de la direction que nous avons fait descendre après que nous avons montré aux hommes ce qui est dans l’écriture, ceux-là, Allah les maudit ainsi que les maudissent ceux qui maudissent. » ( Coran 2-159) Par conséquent, accusent les détracteurs de la Tijanniya et Ibn Mayaba avec eux, le dogme Tijani selon lequel la «salat al fatihi »provient du Prophète(saw) équivaut à une accusation de rétention dirigée contre le Prophète(saw).
Muhammad Niass récuse cet argument en faisant valoir que le Prophète(saw) n’avait pas obligation de communiquer la «salat al fatihi» à ses Compagnons dans la mesure ou la «salat al fatihi» ne fait pas partie du Coran et que le Prophète(saw) n’avait d’obligation de communiquer que le Coran aux compagnons . Selon Muhammad Niass, la rétention (kitman) est le refus de transmettre (tabligh) ce que Dieu à ordonnée de transmettre. Mais ne pas transmettre ce que Dieu n’a pas demandé de transmettre n’est point de la rétention. Et Muhammad Niass de corroborer ces propos en citant la tradition des « 2 récipients » rapportée de Abu Horeira (hadith al wi’a’ aryn ou hadith al jiarabayn en arabe). Dans ce hadith cité dans le recueil de traditions de Abu horeira est considéré comme étant de la plus haute authenticité, le transmetteur dit : « j’ai appris deux récipients de sciences du Prophète. Je vous ai transmis le premier. S’agissant du deuxième, si je le portais à votre connaissance, vous me couperiez la tête. » Donc pour Muhammad Niass, cette accusation de Kitman n’est pas fondée.
La vision d’Ahmad al Tijani mène-t-elle au paradis
Le «jawahir al ma’ani »fait valoir que quiconque voit Ahmad al Tijani le lundi et le vendredi ira au paradis. Mayaba rappelle que l’oncle du Prophète Muhammad (psl), Abu Lahab, a vu ce dernier, et pourtant le Coran dit qu’il ira en enfer (Coran 3-111). Comment est-il alors possible, oppose Ibn Mayaba, que d’autres personnes qui voient Ahmad al Tijani soient assurées d’aller au paradis ? Et l’auteur de la réplique rétorque qu' Abu Lahab à vu Muhammad non pas en tant que Prophète (Muhammad Rassul Allah), mais l’a vu en tant que fils d’Abdallah (Muhammad b. Abdallah).
La revendication de Sceau des Saints par Ahmad al Tijani
Selon Ibn Mayaba, le Cheikh al Tijani revendiquerait le grade de Prophète en se présentant comme le Sceau de la sainteté, et en tout état de cause un grade supérieur à celui des Compagnons du Prophète. L’auteur de la réfutation réplique que tous ceux qui sont familiers avec les écrits de Ahmad al Tijani savent que ces propos selon lesquels il est le sceau de la sainteté ne sont point une quelconque revendication de supériorité par rapport au Prophète qui n’a pas d’égal, et à ses compagnons dont la supériorité sur les autres croyants est évidente et reconnue de tous. Et qu' Ahmad al Tijani en comparant le cheminement spirituel des compagnons du Prophète(saw) à celui des «awliya», a caractérisé celui des premiers comme aussi rapide que les faucons et celui des derniers comme aussi lent que les fourmis.
Sur la vision du Prophète en état d’éveil par Ahmad al Tijani
Le «jawahir al ma’ani» affirme que c’est suite à une vision du Prophète(saw), non pas en songe mais en état d’éveil, qu' Ahmad al Tijani a reçu la mission de fonder une nouvelle tariqa, étant de ce fait affranchi de toute affiliation confrérique antérieure. On sait qu’avant de fonder sa propre tariqa en 1782, Ahmad al Tijani s’était affilié successivement aux Turuq de la Qadiriyya, de la Nassiriya, de la Tayyibiya, de la Khalwatiyya qui lui ont tous conféré le grade se Shaykh. Ibn Mayaba conteste que l’on puisse voir le Prophète à l’état d’éveil. Dans la réplique, Muhammad Niass fait valoir qu’il y’a un consensus selon laquel cette vision est possible. Parmi quelques illustres auteurs à abonder dans ce sens, Niass cite les noms de Abd Qadr al jaylani, Jalal al din Suyuti, l’imam Shadhili, Abd al Karim al Maghili , Muhaand Baba al Daymani, et enfin un commantaire de Qurtubi attribuant des propos similaires à al Baqillani. Il cite aussi un hadith attribué au Prophète(saw) par Abu Horeira et disant : « celui qui m’a vu en songe, m’a (bel et bien) vu car Satan ne saurait se présenter sous mon aspect » et une autre version dit : « qui m’a vu en songe, m’a vu en réalité ». Niasse en déduit que la vision du Prophète(saw) en étant d’éveil est un point sur lequel le consensus existe.
Sur le fait que les Pieds d’Ahmad al Tijani soient au-dessus des cous de tous les Awliya
Et, Muhammad Niass de démontrer qu’Ibn mayaba en faisant un sophisme, assimile tous les Prophètes et les pieux croyants à des « awliya » et en tire la conclusion que Ahmad al Tijani prétend être supérieur à tous ceux-là. L’auteur de la réplique affirme que la terminologie arabe consacre des termes spécifiques à chaque catégorie de personnes. Si les Prophètes ou les compagnons du Prophète Muhammad (saw) étaient des « awliya » au même titre que tous les autres, la langue arabe ne leur aurait pas consacré un terme spécifique.
Après avoir réfuté l’argument, et dans la même logique de la création d’un front uni contre Ibn Mayaba, Niass rappelle que des propos de ce genre ont été tenus par Abd Qadr al Jilani bien avant Ahmad al Tijani. Ce qui prouve que c’est la jalousie qu’Ibn Mayaba ressent contre Ahmad al Tijani, et non le contenu des propos, qui a motivé ces attaques contre le fondateur de la Tijanniya.
Sur l’incorrection linguistique prêtée à certains termes de la «Jawharat al kamal »
S’agissant de la «salat al fatihi», celle-ci est critiquée sur la base de prétentions de la rétribution de sa récitation, mais pas à un point de vue linguistique. En revanche, il est autre prière Tijani, dite «Jawharat al kamal» (perle de perfection) qui est récitée dans le cadre du rituel de la wazifa.
« Ô mon Dieu, répands tes grâces et accorde le salut à la source de la Miséricorde Divine et au diamant étincelant versé indéfiniment dans la vérité. Celui qui est Au centre de toutes formes de compréhensions et de significations. Il est la lumière des êtres en cours de formation humaine, il possède la Vérité Divine tel L’éclair immense traversant les nuages précurseurs de la pluie bienfaisante des Miséricordes Divines, qui emplissent sur leur chemin aussi bien les grandes Étendues d’eau que les petites. Il est Ta lumière brillante qui s’étend sur toute l’existence et l’englobe dans tous Ses lieux.
Ô mon Dieu, répands tes grâces et accorde le salut à la source de la Vérité qui est à L’origine des connaissances les plus justes, tel ton sentier parfaitement droit Par lequel se manifestent les majestueuses Réalités.
Ô mon Dieu, répands tes grâces et accorde ton salut à la manifestation de la Vérité par La Vérité, au trésor le plus sublime, au flux venant de toi et retournant vers toi, et à la quintessence des lumières dissimulées à toute connaissance.
Que Dieu répande ses grâces sur lui et sur sa famille, grâces par lesquelles, Ô mon Dieu, Tu nous le feras connaître. »
Cette prière dite de la perle de la perfection contient deux expressions dont les détracteurs de la Tijanniya ont depuis longtemps critiqué la correction linguistique. Le premier terme est celui de asqam et le second, celui de mutalsam. Le premier qualifie la voie que le Prophète Muhammad PSL a tracée pour les musulmans. De nombreux détracteurs de la Tijanniya y ont vu l’élatif construit sur le schème af’al de l’adjectif saqim qui renvoie à l’idée de débilité. Ils en déduisent que c’est faire offense au Prophète que de traiter sa voie d’être la plus débile. Quant au deuxième terme, mutalsam, Ibn Mayaba conteste qu’il soit un mot arabe.
Sur le premier terme, Muhammad Niass réplique qu’Ibn Mayaba ne connaît pas suffisamment la grammaire arabe. La connaîtrait-il qu’il saurait que l’élatif sur le schème af’al peut être construit sur une racine trilitère nue, comme il peut être construit à partir d’une forme dérivée. Donc l’adjectif asqam n’est pas le superlatif de saqim (débile), mais celui de mustaqim (droit), donc il exprime l’idée de « plus droit ». Pour corroborer son argument, il cite le tashil d’Ibn Malik dans lequel l’auteur cite des cas attestés en arabe classique d’élatif construit sur le schème de af’al à partir des formes dérivées.
Quant à mutalsam, Muhammad Niass répond à Ibn Mayaba que la langue arabe des racines quadrilatères, à partir desquelles sont construits des principes passifs et actifs. Il cite à ce propos le «Taj al a’rus wa qam al nufus», de Muhammad ibn ata Allah al Iksandari, qui atteste de l’arabité des racines quadrilatères, ainsi que de la possiblité de les attester à des formes dérivées.
Sur le fait que certains disciples d’Ahmad al Tijani soient supérieurs à des pôles (aqtab)
La réplique de Muhammad Niass est de dire qu’il n’ya rien de choquant dans ces propos. D’abord parce que Ahmad al Tijani n’a revendiqué pour ses disciples ni le rang des Prophètes, ni celui des compagnons du Prophète, ni ceux des anges rapprochés, grades auxquels ils ne sauraient accéder, selon l’auteur du «juyush al tulla». Ensuite, il fait remarquer que chronologiquement, le terme « qutb » pl. « aqtab» « pole » n’est apparu dans la langue arabe qu’à partir de IIIe siècle avec le développement du soufisme.
Sur la garantie du salut
Ibn Mayaba fait la reproche à Ahmad al Tijani de promettre à ses disciples le paradis. Muhammad Niass réagit à cet argument en invoquant la tradition prophètique connue sous le nom de la tradition d’Abu Darda, un compagnon du Prophète.
Cette tradition relatée par Abu Dawud et Tabari et considérée de ce comme une tradition saine (sahiha) dit : « un message de mon Seigneur est venu un jour me dire que quiconque commet un péché et se repent, trouvera Dieu clément (ghafir) et miséricordieux (rahim). Et j’ai voulu apporter la bonne nouvelle à mes compagnons.
Abou Darda demanda au Prophète : « même s’il commet l’adultère et même s’il vole » le Prophète répondit « oui »
Après avoir cité cette tradition, Muhammad Niass rappelle que le wird de la tariqa tijaniyya est constituée principalement de trois composantes : la récitation de la formule de repentir (istighfar), de la prière sur le Prophète (salat ala nabiy) et de l’attestation de l’unicité divine (la ilaha ila Allah). En conclusion à cela, il en déduit qu’une personne qui apprécie en toute objectivité ne peut conclure, sur la base d’aucun texte, ceux qui pratiquent avec constance le wird da la tijaniyya des élus qui iront au paradis. Il convient de préciser que le Shaykh Ibrahim salih est plus nuancé sur ce point, selon le Shaykh : « les annonces de shaykh Ahmad al Tijani à ses disciples (…) même si dans certains cas, elles ont pu être décrites comme une garantie, ne sont pas une garantie mais une annonce (de l’espoir d’être exaucé). Elles sont une garantie liée à de nombreuses conditions dont la plus importante est de mourir dans la foi (iman) et le repentir (tawba).
Conclusion
Ce texte s’inscrit dans une longue tradition polémique, qui nous semble avoir atteint son paroxysme au Nigéria. Non seulement, une littérature abondante constituée de pamphlets en arabe, mais aussi en haussa, a été publiée à ce propos, mais toute une industrie de reproduction de cassettes, de prêches relative à cette polémique à prospéré. Si les partisans de l’Islam soufi aime invoquer qu’il existe un sens caché des choses (batin) par opposition à un ordre obvie des choses (zahir) et ne manque pas de citer le récit coranique de la rencontre du Prophète Moise(as) et de Khidr(raa), ils n’en font pas moins appel à toutes sortes de sources : des auteurs soufis comme Ibn Araby, Ibn Ata Allah ou Abu Talib al Makki à des auteurs fondamentalistes comme Ibn Hanbal et Ibn Taymiyya, des témoignages des soufis aux traditions prophétiques les plus authentiques. Ceci est sans doute la preuve que la frontière entre Islam confrérique, Islam populaire et Islam légaliste n’est pas aussi nette que toute une littérature sur la sociologie de l’Islam dit populaire ou l’islam fondamentaliste l’a suggeré.
Recherches et adaptations :
el H. Idrissa Dioum ; Babacar Touré Sources: in Jean-Louis Triaud et David
Robinson (eds.) La Tijaniyya: une confrérie musulmane à
la conquête de l'Afrique. Paris: Karthala, 2000. pp. 219-36
in al Juyush al tulla édité par le Groupe Walfadjri
remerciements : Dr. Ousmane Kane
associate Professor School of International & Public Affairs Columbia University