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Un chercheur de dattes...
24/11/2007 17:09
Sujet de méditation:Un chercheur de dattes perdu au milieu d'un verger de dattes !
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Chaque personne qui vient dans la voie en attend quelque chose. Le plus grand nombre désire des pouvoirs spirituels ou l’illumination.
Certains cherchent à échapper à eux-mêmes et aux pressions de la vie.
D' autres espèrent simplement être soulagés de leur solitude et de leur mal être ou tristesse et trouver un havre d’amour bonté. Ceux qui viennent dans la Tariqatou Tjâniyya veulent obtenir un certain nombre de choses qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Mais chacun de nous veut quelque chose. Le fait est cependant que la voie implique qu’on ne désire rien sauf Dieu or justement personne ne vient avec le désir de Dieu(swt), ainsi nous faisons tous le premier pas dans l’erreur ! Il y a de cela plusieurs années, un homme vint trouver un Maître spirituel, afin d’être initié. Il semblait extrêmement sérieux et sincère dans son intention de suivre la Tarqa.
Lorsque le Maître lui demanda pourquoi il était venu à lui, il expliqua que sa femme était mourante d’un cancer et qu’il avait entendu dire que les soufis avaient des pouvoirs de guérison spéciaux. Il espérait alors devenir soufi afin de pouvoir soigner sa femme qu’il aimait profondément. Le Maître fut très avenant et doux avec l’homme mais il ne l’initia pas. Après son départ, le Maître se tourna vers le Talibé qui était assis à côté de lui en secouant la tête puis il dit tristement: « ce n’est pas cela le soufisme ! Nous sommes tous pareils à cet homme. Nous ne venons pas à la voie avec le désir d'Allâh(swt), aussi nobles que soient nos motivations car désirer Allâh(swt), signifie absolument ne rien désirer .Il ne serait même pas correct de croire que vouloir Dieu c’est ne rien devenir ou être rien(comme je le croyais lorsque je suis entré dans la voie),car même cela, c’est vouloir devenir quelque chose. Et vouloir quelque chose signifie que l’on ne s’est pas totalement soumis à la volonté de Dieu(swt) quelque soit celle-ci même si elle consiste à rester telle que nous sommes.» Comme le Maître l’a dit une fois à un disciple qui exprimait son désir d’être guéri de son nafs (égo), « Ne crois-tu pas que cette purification est elle-même un désir du nafs? Contente-toi d’accomplir ton rappel(zikr) de Dieu(swt) » Les implications des vérités ci- dessus exposées sont difficiles à accepter. Par exemple nous croyons tous que nous venons dans la voie avec l’intention de la suivre jusqu’au bout, mais en fait aucun de nous n’a la moindre intention de terminer la voie et d’atteindre Dieu(swt) quand nous nous engageons Malgré tout ce que nous affirmons. Ce que nous voulons ce n’est pas atteindre Dieu(swt), mais plutôt obtenir ce que nous voulions lorsque nous sommes venus à la voie :
- que ce soit des pouvoirs spirituels ,
-l’illumination,
-un soulagement,
-être aimé ou même être rien. C’est une chose effrayante que de réaliser que l’on ne veut pas en réalité terminer la voie et atteindre Dieu(swt). Je sais combien cela est effrayant parce que il m’a été accordé la bénédiction de comprendre cette vérité à l’égard de ma propre personne après seulement quelques mois sur la voie bien que cela me prit des années pour le comprendre et bien plus encore pour l’accepter. Quelques mois, après mon initiation, j’eus l’opportunité d’aller en Iran pour vivre à la khanaqah de Téhéran. Evidemment je bondis sur l’occasion qui m’était offerte d’être avec le Maître. Je me sentais exceptionnel, ce qui était une énorme méprise: « nul sur la voie n’est supérieur à un autre. Car tous sont Un et tout disciple qui se sent exceptionnel court au devant d’une rude désillusion ! » Lorsque nous arrivâmes ce soir là à Téhéran il se faisait tard. Le Shaykh qui m’avait initié, son traducteur, et moi nous fûmes accueillis à l’aéroport par un homme âgé de petite allure. Il avait un pick-up cabossé qui semblait à peine moins âgé que lui même. Il n’y avait que deux places dans la cabine ,je montai donc à l’arrière du véhicule sur un tas de ferrailles et de planches de bois. A chaque bond (et il y en eut) ,je me cramponnais de plus en plus fort à la carrosserie du camion de peur que je sois éjecté de mon siège de fortune, m’en remettant surtout à Dieu(swt). Lorsque nous empruntâmes le chemin de terre qui menait à la khanaqah mes bras étaient douloureux, mes yeux fouettés par le vent me piquaient et j’avais un mal de tête atroce dû à mon inquiétude. Nous suivions une route en terre et tout ce que je pouvais distinguer dans l’obscurité, c’était un haut mur de pierres derrière lequel on pouvait deviner les contours d’un pâté de maisons. Sur les deux portes en face de moi, je vis les deux haches croisées symboles de l’ordre. Alors que les portes s‘ouvraient et que j’avançais vers l’entrée, je me surpris à regarder de luxuriants jardins autour de trois allées d’arbres, et des fontaines aux eaux bleuâtres. Je n’avais jamais rien vu de semblable. Dépassant les murs, il y avait de tous les côtés des murs de pierres qui s’élevait haut dans le ciel. Directement en face de moi sur le mur du fond se trouvait trois énormes arcades dont le haut se terminait par des mosaïques complexes aux motifs en carreaux bleus. C’était un spectacle à couper le souffler et j’eus une sensation de petitesse devant tant de beauté et d’harmonie. Puisqu’il était très tard, le maître devait déjà être couché. Il y avait à notre arrivée une poignée de derviches dont trois américains qui résidaient également à la Khanaqah (bien que j’appris plus tard que deux d’entre eux, un couple marié venait de la khanaqah de Shiraz pour une visité). Après m’avoir fait visiter les lieux, le couple se retira pour aller se coucher et l’autre américain et moi portâmes dehors un lit en bois pour que je puisse y dormir. Juste à côté d’une des chatoyantes fontaines bleues. Même si plus tard je pris l’habitude de dormir sur le sol en pierres de la salle de thé où nous vivions, ce soir là l’américain à dû penser que ce serait trop dur pour moi. Le choc culturel est -- et je l’appris vite -- quelque chose que j’allais expérimenter à plusieurs reprises plus que tout autre chose dans les mois à venir. Le matin, ,je me réveillai au son du chant des oiseaux qu’entrecoupait le bruit des chasseurs de la flotte aérienne du Shah. Tout cela me semblait si bizarre que je me sentis déboussolé, je voulais désespérément sauter dans le premier avion pour l’Amérique. Alors que j’étais couché rêvant éveillé de me retrouver chez moi, j’entendis la voix d’un derviche persan que j’avais brièvement rencontré la veille. Cela me prit un moment pour réaliser qu’il s’adressait à moi.’’ Allez lève toi ! Nous devons enlever ce lit. Le Maître est dans le salon de thé et je ne voudrais pas qu’il voit ce lit s’il vient dehors.’’ Je n’avais aucune idée de la raison pour laquelle le Maître ne devait pas voir le lit, et j’étais un peu froissé à l’idée d’être réveillé si brusquement car je n’y étais guère habitué. Cependant ne sachant pas trop à quoi m’en tenir je suivis passivement la suggestion du derviche même si je le fis avec la mine renfrognée. Le chemin le plus court pour aller à l’endroit où ranger le lit passait devant les portes entrouvertes du salon de thé. Je me mis donc tout naturellement à aller dans cette direction avec le lit, mais mon compagnon le tira brusquement sur la droite loin de la salle de thé vers l’autre côté de la Khanaqah. Je crus un instant qu’il avait perdu la raison. ’’Où vas tu? le magasin ne se trouve -t-il pas dans cette direction? lui demandai-je en indiquant l’entrée du salon de thé. Il approuva de la tête. ’’Oui c’est exact ! mais je ne veux pas y passer avec le lit, je ne voudrais pas que le Maître nous voit !’’ Là, je commençais vraiment à être agacé. Je le fixai et je lui parlai avec une bonne dose de dédain dans la voix. ’’Et pourquoi pas...si je puis me permettre de demander? y’a t-il un mal à dormir sur un lit?’’ Il haussa les épaules ’’c’est à toi de décider .Nul n’a à te dire ici ce que tu dois ou ne pas faire. Je veux juste marquer mon respect pour le Maître en ne le dérageant pas .’’Il s’arrêta un moment puis dit :’’En outre, il est mieux d’être invisible ici autant que possible. Je ne souhaite pas attirer l’attention sur ma personne’’ C’était en fait un excellent conseil comme j’allais m’en rendre compte plus tard, mais sur le champ j’étais trop troublé pour le comprendre. Je me revois en train de penser combien je trouvais que tout ceci était hypocrite ’’j’existe toujours, je suis là.’’ me dis je. Alors pourquoi devrais-je essayer de me comporter humblement alors que ce n’était pas du tout ce que je ressentais. Et d’ailleurs pourquoi devrais-je avoir du respect pour quelqu’un que je n’avais jamais rencontré? j’ai toujours été de ceux qui défient l’autorité plutôt que d’être soumis. J’accorde mon respect aux autres en fonction de ce qu’ils sont ( la personnalité) et non de ce qu’ils ont (le titre, la fonction). Néanmoins je m’abstins de dire quoi que ce soit et, je suivis le derviche en portant le lit tout le long de l’autre côté de la khanaqah afin de ne pas être vu par le Maître. A mon retour cependant je pris soin de passer bien en face du salon de thé. J’essayai même de jeter un regard furtif à l’intérieur mais je ne vis rien de plus qu’une grande silhouette assise sur un tapis en peau de mouton derrière un petit bureau. En face de la silhouette, était assis le Shaikh qui m’avait initié, la tête baissée contre sa poitrine. Quelques minutes plus tard j’entendis appeler mon nom. Après un profond soupir, je m’avançai à pas audacieux vers le salon de thé. J’étais résolu à ne pas me laisser intimider Cependant, à l’entrée de la pièce quelque chose me poussa à m’arrêter et à baisser la tête. J’entendis une voix à l’intonation profonde qui faisait écho dans ma poitrine me dire:’’Asseyez vous !’ Le Maître m’indiqua du doigt un coussin posé à même le sol à sa droite. Je m’assis là où il avait indiqué. Après quelques minutes je devins si nerveux que je lui lancai un regard à la dérobée. Il était plus jeune que je l’imaginais et avais un visage à la fois d’une sévérité effrayante et d’une bonté indescriptible. Ses cheveux noirs parsemés de mèches grises étaient coiffés vers l’arrière laissant voir son front. Il écrivait quelque chose sur un bout de papier derrière son petit bureau tout en m’ignorant complètement. Alors que le silence devenait long, je commençai à m’énerver encore. J’étais (quand même) venu ici après avoir traversé la moitié de la terre juste pour le voir en abandonnant mon premier véritable boulot d’écrivain, mon appartement confortable, tous mes livres, ma petite amie, mon vrai pays, et lui était assis là le plus simplement du monde à ignorer ma présence; comme si j’étais juste venu du bout de la rue voisine pour lui rendre visite. Irrité à vif, inexpérimenté et ignorant je me sentis blessé, ce qui augmentait encore plus ma colère. Finalement, après ce qui me parut durer des heures, il posa son stylo et me regarda au-dessus de ses lunettes de lecture. ‘’ Alors, pourquoi êtes vous ici?’’. Pensant qu’il me posait une question sérieuse sur la façon dont j’étais parvenu à la voie je commençai en guise de réponse une longue tirade décrivant tous les détails qui selon moi m’avaient conduit à la Khanaqah de New York. Cependant après mes premières phrases, il secoua la tête impatiemment et m’interrompit. ‘’Alors, pourquoi êtes vous ici?’’ Je crus alors qu’il voulait savoir ce qui m’avait décidé à venir à Téhéran. Je me mis alors à lui expliquer ce que le Shaikh m’avait dit à propos de mon incapacité (due à ma paresse) à obtenir mon doctorat et la possibilité de venir à Téhéran pour le réussir. Il balaya mes propos du revers de la main. ‘’Alors, pourquoi êtes vous ici?’’ Frustré, ma colère et mon irritation ne cessant d’augmenter, je n’arrivais plus à me contenir. ’’je ne sais pas pourquoi je suis ici’’ laissai je tomber avec amertume. Il approuva alors de la tête avec un regard de satisfaction. ’’Bien, c’est la bonne réponse. Tu ne sais pas .’’ ‘’Dites-moi alors pourquoi je suis ici?’’ En fait ce n’était pas vraiment une question, mais un défi que je lui lançais en raison de mon état négatif. Le Maître s’arrêta et me fixa avant de répondre. ’’Je ne le sais pas non plus. Vous ne le savez pas et moi je ne le sais pas. Seul Dieu sait’’ Soudain, il se leva de la peau de mouton sur laquelle il était assis et repoussa sa petite table de travail. Je n’arrivais pas à croire qu’il était sur le point de s’en aller après m’avoir parlé à peine cinq minutes. C’était tout ce dont j’étais digne après tous les sacrifices que j’avais consenti a faire en venant à Téhéran. J’étais trop stupide pour me rendre compte de la grâce que représentait le simple fait qu’on m’ait permis de venir ainsi que le cadeau que me faisait le Maître en m’ignorant. Je ne réalisais pas de même combien mes pseudo sacrifices étaient mesquins; car en fait je n’avais aucune idée de ce qu’était un sacrifice. Juste avant de quitter la pièce, le Maître s’arrêta et se tourna vers moi. ’’Ecoutes bien. Ton esprit est ton maître; tu n’es pas le maître de ton esprit. Avant tout tu dois apprendre à être le capitaine de ton propre bateau. Après on verra.’’ Avant que je puisse placer le moindre mot, il disparut derrière la porte. Je restai là abasourdi. Je savais qu’il avait raison même si je ne m’en étais pas rendu compte auparavant. Mon esprit avait toujours été ma force mais c’était également ma grande faiblesse. La plupart du temps, mes perturbations et mes problèmes étaient dus à mon esprit et au contrôle qu’il exerçait sur moi. J’étais honteux et je m’en voulais pour la façon dont je m’étais exprimé face au Maître. Tout en larmes, je sortis précipitamment de la pièce en quête d’un endroit où me cacher avec mon humiliation, ignorant que à la khanaqah il n’y a aucun endroit où se cacher. Je finis par m’asseoir à terre dans un coin de la cour où se trouvait encore les ruines de la fondation de l’ancienne khanaqah de Téhéran. A présent, le soleil était haut dans le ciel répandant sa chaleur brûlante partout. Mon visage était couvert de larmes et de sueur. Je savais que toute personne qui regarderait dans la cour depuis un des bâtiments alentours me verrait mais je m’en moquait. Soudain, je vis la femme américaine qui venait de Shiraz arriver vers moi. Enfin me dis je quelqu’un qui pourrait me comprendre et me réconforter. J’essayai de réprimer mes pleurs tout en m’assurant qu’elle puisse voir mes larmes. Je sanglotais encore lorsqu’elle arriva à ma hauteur et s’arrêta au-dessus de moi. Je sentais son regard posé sur moi et je la scrutais à travers l’éclat du soleil. Elle me sourit gentiment et me parla d’une voix mélodieuse. ‘’Tu sais, tu ne devrais pas rester assis ainsi au soleil .L’Iran n’est pas comme l’Amérique, tu peux avoir des coups de soleil. Au moins met un foulard sur ta tête si tu veux rester là.’’. Sur ces paroles elle retourna à la cuisine où elle était en train de travailler. Aucun mot de sympathie, aucune indulgence pour mon comportement stupide. Juste une suggestion pratique si je voulais rester là assis à me conduire comme un idiot. J’étais froissé. Autrefois, j’avais toujours réussi à attirer la sympathie des femmes, mais même cela ,je n’en étais plus capable apparemment. Complètement secoué, j’essayai tant bien que mal de me ressaisir et de m'abriter du soleil. Je ne voulais pas ajouter un coup de soleil à mes autres soucis. Après avoir marché à travers la cour à l’ombre des arbres, j’aperçus le mari de la femme américaine assis sur les escaliers en béton du salon de thé. Il était occupé à écrire dans un carnet de notes. Je m’arrêtai devant lui la tête baissée et attendit qu’il leva les yeux. Après un moment il s’arrêta enfin d’écrire et parut remarquer ma présence. ’’Oui?’’ Je ne savais pas par où commencer ce que je voulais dire. Je crois que je voulais juste qu’on me dise que les choses rentreraient dans l’ordre, juste entendre un mot de sympathie. ’’Je voudrais vous poser une question’’ murmurai-je. ’’Pardon?’’ ’’je voudrais juste vous poser une ques...non laissez tomber. Je ne devrais pas la poser’’. J’aurais voulu qu’il me dise,’’ok, allez y vous pouvez me parler. Vous pouvez me demander tout ce que vous voulez’’. J’aurais voulu qu’il me dise combien c’était dur d’être là, qu’il me rassure. Au lieu de tout ceci il répondit par un seul mot à ma suggestion de laisser tomber ma question:’’Bien’’ et il se remit à écrire. Ce n’était pas juste. Personne ne jouait mon jeu dans cet endroit. Personne ne suivait les règles habituelles. Je m’aperçus alors petit à petit que toutes mes larmes et mon apitoiement sur mon sort ne me seraient d’aucune utilité. Je retournai alors au salon de thé, m’assis dans un coin et fis mon rappel (de Dieu). Je me trompais lourdement en croyant qu’avec le temps, la vie à la khanaqah serait plus supportable ou facile. Tant qu’on reste soi même, la vie à la khanaqah notamment avec le Maître reste pénible. Et pour avoir un ego ,j’en avais un! Chaque jour était semblable au précédent. Il n’y avait aucune occupations ‘’extérieures’’, aucune distraction. Je me levais à l’aube , habituellement au son de l’appel à la prière provenant d’une mosquée voisine. Après mes prières, je prenais mon petit déjeuner composé d’un pain plat, d’un fromage lourd (que je digérais à peine) et de thé. Après le petit déjeuner, il n’y avait pas grand chose à faire. La plupart des derviches travaillaient pour gagner leur vie. Seuls quelques-uns uns étaient présents à la khanaqah durant la journée et ils parlaient rarement l’anglais. Les seules choses que je pouvais faire étaient de lire un des rares bouquins que j’avais amené avec moi, écrire dans mon journal, dormir ou méditer. Les jours de réunion il m’arrivait de balayer les escaliers et les allées pavées de pierres de la khanaqah ou de nettoyer les deux toilettes à l’usage des derviches. Parfois en fin d’après midi, j’étais autorisé à arroser les plantes et les fleurs qui ornaient la cour de la khanaqah. Une ou deux fois par semaine je me rendais au seul endroit où je pouvais aller tout seul (les bains publics). Je me rasais la barbe et je me lavais les cheveux chose impossible à faire sous les robinets d’eau froide situés en plein air à la khanaqah. Après quelques semaines passées à ce rythme le Maître me demanda un jour si je voulais aller suivre les cours de l’académie de langues pour apprendre le persan en prévision de mon entrée à l’université. Je n’ai jamais été bon en langues étrangères et l’idée d’apprendre l’alphabet arabe m’intimida mais au point où j’en étais ,j’aurais pu accepter n’importe quoi pour avoir la possibilité de sortir de la khanaqah quelques heures par jour. Le Maître demanda à un derviche de m’accompagner à l’école des langues puisque j’étais incapable de retrouver mon chemin dans la ville de Téhéran. Nous y allâmes le lendemain. Le seul problème était que nous étions au mois de Ramadan en pleine période de jeûne. Mon compagnon refusa de prendre le taxi bien que cela était absolument nécessaire car il considérait cela comme une facilité et donc un gaspillage d’argent. En lieu et place, nous étions tenus de marcher ou à défaut de prendre le bus qui coûtait à peine l’équivalent d’un penny. Trouver l’académie nous prit deux heures en partie à cause des arrêts incessants du bus et d’autre part en raison de nos égarements. Nous avions passé l’une de ces deux heures à marcher dans les rue venteuses des banlieues de Téhéran sous l’ardent soleil de l’après midi. Cela faisait plus de huit heures que je n’avais absorbé aucune nourriture ni boisson et je désirais désespérément un coca, un cheeseburger avec des frites, un dessert à la glace et aux fruits ainsi qu’une confiserie chaude. J’aurais tout donné pour un verre d’eau. Après mon inscription pour suivre les cours de mon niveau, nous retournâmes à la khanaqah. En route, j’essayai avec beaucoup de difficultés de convaincre le derviche qui m’accompagnait de nous arrêter dans un magasin de livres en anglais devant lequel nous étions passés en allant à l’école des langues. Les livres avaient occupé la plus grande partie de ma vie avant mon initiation et les laisser derrière moi a été la chose la plus difficile après mon départ pour l’Iran. L’idée de passer une heure dans une librairie était paradisiaque pour moi. Qu‘importe ce que cela pourrait avoir comme conséquence à notre retour à la khanaqah. Je ne voulais même pas y penser. Aussi difficile qu’ait pu être la vie à la khanaqah pour moi, il y avait aussi des avantages dont le plus important était la présence du Maître. Chaque jour nous sortions un grand lit en bois et le placions dans le jardin où le Maître s’installait pour recevoir les gens dont la plupart venaient solliciter ses faveurs, un conseil ou sa bénédiction pour ceci ou cela. Les jours de réunion, lorsque la khanaqah était remplie de derviches, il était trop pris pour s’occuper de moi. Mais quand les choses étaient plus calmes il me faisait souvent appeler pour savoir comment j’allais… Une nuit, alors que j’étais assis à côté de lui, le portier vint annoncer un jeune américain qui voulait lui parler. Le Maître donna son accord et on introduisit le visiteur. Il se trouva que l’homme parlait couramment le persan et l’arabe et connaissait par cœur une bonne partie du Coran. Il avait voyagé toute une année dans le Moyen orient en quête d’un ordre pour être initié et avait rencontré quatre ou trois shaykh d’ordres différents qui lui avaient tous refusé l’initiation En observant l’échange de l’homme avec le Maître, j’eus l’impression qu’il était sincère dans sa quête et n’était pas un chercheur curieux ou un simple dilettante. Mais il y avait quelque chose d’étrange dans toute la conversation. Voici un homme qui avait cherché pendant des mois à entrer dans la voie et qui se trouvait en présence d’un maître de la voie mais, à aucun moment il ne lui exprima son désir d’être initié par lui. Au contraire, la seule chose qui semblait le préoccuper c’était d’exprimer sa sincérité et toute la souffrance qu’il avait vécu lors de ses tentatives d’entrer dans la voie. Il me vint à l’esprit qu’il était comme quelqu’un qui était obsédé par l’envie de manger des dattes et qui finalement avait réussi à trouver un oasis de dattiers. Tout ce qui l’entourait était fait de dattes ou consacré à la culture des dattes: les arbres étaient couverts de dattes, des plateaux chargés de dattes l’entouraient et le propriétaire des dattiers était assis là en face de lui et pourtant tout ce qui l’intéressait était d’exprimer son désir fou de manger des dattes. Après un moment, l’homme demanda au maître s’il pouvait faire quelque chose pour l’aider à trouver un Maître. En guise de réponse le Maître m’adressa un sourire espiègle. Il prit alors un bout de papier sur lequel il marqua un verset coranique en demandant au monsieur de le réciter quotidiennement une centaine de fois avant de se mettre au lit. Si telle est la volonté de Dieu lui dit le Maître, il finira par trouver un maître. L’homme remercia infiniment le Maître et se leva pour partir. A ce moment le Maître lui fit signe de s’arrêter et lui dit que s’il ne trouvait personne pour se faire initier, il pourrait toujours revenir pour se faire initier dans notre ordre. ’’J’accepterai tous ceux qui ont été rejetés par quelqu’un d’autre’’ ajouta t-il avec un sourire. Mais le monsieur ne revint jamais. A l’époque j’étais désolé pour cet homme. J’eus également un sentiment de supériorité car je pensais que j’étais différent de lui. N’avais-je pas trouvé mon chemin vers la voie alors qu’il était encore en train de patauger.? J’appris très vite combien j’avais tort et combien j’étais semblable à cet homme. Nous pouvons croire que c’est nous qui choisissons de venir dans la voie mais en réalité c’est Dieu et Lui seul qui nous guide vers la Voie ou qui nous en éloigne et ce, malgré tous nos raisonnements et nos désirs. Cela arriva un jour comme tous les autres à la Khanaqah. J’étais assis dans la salle de thé essayant de faire mon rappel (zekr). La seule personne présente avec moi était M.Kobari, un ancien derviche qui s’occupait de toutes les affaires de la khanaqah. Un travail à faire perdre la raison…(Pour donner une idée de l’ampleur de son travail, après la mort de M Kobari, il faudra cinq personnes pour accomplir le travail qu’il effectuait tout seul pendant des décennies) M.Kobari était un homme extraordinaire au vrai sens du terme. C’était un Majnun, un attiré si brûlant d’amour pour le Maître et pour Dieu qu’il était dispensé de suivre la voie suivant le procédé ordinaire. Fait extrêmement rare à chaque ère mais surtout quasiment inexistant à notre époque fait de matérialisme, d’avidité et d’égoïsme. En tant que tel, il est difficile de le décrire avec des mots. Malgré cela ou peut être à cause de cela, on raconte plus d’histoires sur lui qu’à propos de n’importe quel autre derviche. Chacune des personnes ayant connu M. Kobari a une anecdote à rapporter à son sujet. Alors que j’étais assis en face de M. Kobari ce jour là, je me demandais ce que ce serait d’être comme lui -- être un amant aussi sincère --- ne serait-ce qu’un instant. Je savais que ce serait une grande chance pour moi d’avoir une part infiniment petite de sa dévotion malgré tout le temps que j’avais passé sur la voie. Après un petit moment, j’entendis la voix du Maître à l’extérieur de la pièce. Je levai les yeux juste au moment où il entrait dans la pièce. M Kobari continuait à travailler apparemment inconscient du monde extérieur. Le Maître lui dit quelque chose. Il murmura une réponse et retourna à son travail. Un instant après le Maître dit quelque chose d’autre et avec un grognement d’exaspération M Kobari posa son stylo souleva le dessus de son petit bureau et tendit un trousseau de clés au Maître. Prenant les clés, le Maître sourit et alla ouvrir une armoire de laquelle il retira un classeur avec des papiers et revint s’asseoir près de M. Kobari. Les deux hommes assis côte à côte ignoraient complètement ma présence. Ils avaient l’air de partager un lien profond comme s’ils n’étaient plus des êtres séparés mais une entité unique. Je fermai les yeux et recommençai à faire mon rappel. Je n’ai aucune idée du temps qui s’est écoulé car le temps n’avait plus d’importance pour moi à ce moment là. Même d'écrire avec des mots ce qui s’est ensuite passé est difficile vu que les mots sont du royaume de l’esprit alors que ce qui allait arriver appartient au royaume du cœur qui est le silence. Le premier jour à la khanaqah, lorsque j’étais assis dans la salle de thé après ma débâcle avec le Maître, j’ai fait le vœu de progresser suffisamment en Iran afin de retourner en Amérique en tant que chercheur avancé sur la Voie. Qui sait peut être serais -je le premier américain à recevoir la permission d’initier les autres. C’est avec de telles pensées que je me flattais. A présent j’étais assis dans la pièce aux pieds du Maître et d’un vrai disciple. Je sentis mon être emporté et mes chimères entraînées dans un gouffre que je ne comprenais pas mais qu’on ne pouvait qu’accepter et expérimenter. C’était comme si j’étais suspendu à une corde au dessus d’un grand vide et la seule chose que j’avais à faire était de lâcher prise, de me laisser aller pour être englouti par ce vide et perdre mon moi. Je n’avais même pas à faire quoi que ce soit; je devais seulement me laisser aller et je savais au fond de moi que je cesserai alors d’exister. ’’je’’ serais alors rien; il n’y aurait plus de voie. Aussi ridicule que cela puisse paraître avec du recul, au même moment je savais aussi que je ne désirerais plus de cheeseburger ou mes chers livres ou que je n’appellerai plus un vieil ami pour discuter, que je n’aurai plus besoin de voir ma famille ou d’aller avec une femme. Je ne voudrais plus rien. Tout ce que j’avais connu ou désiré serait désormais insignifiant. Je regardai dans l’abîme, dans ce néant et je sus ce qu’il signifiait mais je ne pouvais pas me laisser aller. Et à ce moment je me rendis compte que achever la voie ne m’intéressait pas, que tous mes fantasmes sur la perte ou l’effacement totale de soi n’étaient que chimères et rêves en état d’éveil. On m’avait offert l’occasion en un clin d’œil de parcourir la voie et j’étais incapable de la saisir. Je ne pouvais pas tout simplement renoncer à ma personne. Je ne pouvais pas lâcher prise et me laisser aller. Bien que je me sois apitoyé sur le sort du monsieur qui était venu voir le Maître, je ne faisais en fait que me tromper moi même en croyant que j’étais supérieur à lui. Moi aussi je n’étais rien d’autre qu’un chercheur de dattes perdu au milieu des dattiers. Malgré le fait que son but était là en face de lui, il ne pouvait pas ou ne voulait pas le voir. Et il en est de même pour vous. Mais nous ne pouvons pas l’accepter. Tout comme ce pauvre chercheur dans l’erreur ; nous fuyons le but mais nous n’avançons pas vers lui parce que nous ne pouvons pas supporter l’idée d’avoir à abandonner nos divers liens et désirs. Nous nous cramponnons à ces derniers et quelle que soit la raison pour laquelle nous sommes venus à la voie, ce n’est en tous cas pas pour atteindre Dieu. Pareils à des enfants qui font de leurs vêtements des montures pour jouer, nous sommes montés sur nos chevaux de vêtements et croyons que nous allons au champ de bataille. Mais à la moindre alerte, au moindre signe véritable du combat nous cachons nos visages avec ces vêtements et nous fuyons. Quelques semaines après avoir constaté mon incapacité à renoncer à ma personne, mon manque total de toute intention d’achever la voie et d’atteindre Dieu, le Maître prononça un discours au cours d’une cérémonie spéciale qui eut lieu un jour de réunion. Voici les dernières phrases de ce discours. ’’Les gens viennent à la khanaqah en prétendant chercher Dieu. Mais en réalité ils désirent des choses qui ne sont pas Dieu. Ils disent,’’S’il vous plaît priez Dieu pour moi à propos de ceci’’ ou ‘’Demandez à Dieu de nous pardonner cela’’ ou encore ‘’S’il vous plaît faites ceci ou cela pour moi’’ --- toutes choses qui n’ont rien à voir avec Dieu. En agissant ainsi, ils oublient ’’d’écouter avec le cœur’’ raison pour laquelle ils sont censés se trouver ici. ‘’ A ce niveau le Maître fit une pause et regarda l’ensemble des derviches présents. Puis il poursuivit. ‘’L’essence du soufisme est le taslim, la soumission à Dieu. Ainsi, vous devez vous soumettre totalement à la volonté de Dieu pour ceci ou cela, pour tout. Autrement vous n’êtes véritablement pas du tout derviche’’ Depuis ce jour, je ne suis pas encore parvenu à me considérer comme étant un derviche.
Ô toi qui durant toute une vie a désiré l’union avec Lui Pourquoi n’es tu pas allé au delà de tous les désirs pour l’amour de ce désir? - Maghrebi
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Quelles sont les trois rivières ménant à la mer ?
24/11/2007 16:26
Salamu'alaykum wa rahmatullâhi ta'ala wa barkatuhu,chers frères !
Voici,un sujet de méditation :
Queslles sont les trois rivières ménant à la mer ?
-L'Amour d'Allâh(swt) ,
-la Connaissance d'Allâh(swt)
-et la Crainte d'Allâh(swt)
sont les trois rivières qui mènent à Allâh(swt) !
Celui qui commence par aimer Allâh(swt) , cherche forcément à le connaître et Celui qu'il(swt) aime ,plus il Le connait , plus il Le craint !
Celui qui commence par la connaissance sincère d'Allâh(swt) découvre la Puissance, craint cette puissance, et finit par aimer la miséricorde !
Celui qui commence par craindre Allâh(swt) découvre la Miséricorde face à nos faiblesses, aime le Miséricordieux et Le connait d'avantage.
Certains demandent de craindre d'abord, Allâh(swt)! d'autres disent d'aimer Allâh(swt)plus que tout ! et les derniers insistent d'apprendre à le connaître,avant toute chose.
Tous parlent le même langage !
wallâhu'alam (Allâh(swt) connaît mieux!)
Qu'Allâh(swt) nous aide à le connaître car on ne peut connaître
Allâh(swt) qu'avec la permission d'Allâh(swt)!

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La musique est interdite en Islam.
24/11/2007 16:05
Sujet de méditation :La Musique en Islam -
«La musique est interdite en Islam,disent les uns !
Allâh(swt) l'a interdite et certains Hadiths du Prophête(saw) l'ont interdite également.
Cependant ,certains instruments de Musique ( le Duhhf) sont licites pour les enfants ( entre eux) et les femmes ( entre elles) lors des mariages, des fêtes.»
Pourquoi alors les Sufis s'y intéressent tant?
Wa Allah ta anlam !
Salut les amis ! 
La musique spirituelle transporte l'âme à sa demeure originelle.Car l'âme n'a pénétré le corps d'Adam que sur une musique transcendantale. le Qur'ane, d'ailleurs, est récité avec une voix mélodieuse pour mieux oublier notre moi et ne vivre que la réalité divine qui reste unique !!!
les autres musiques restent hors sujet de par l'esprit qui les anime.
Mais le but à atteindre ,ici ,est la rencontre avec Allâh(swt), n'est ce pas ?...
Avec ou sans musique, peu importe !
L'important,c'est Allâh(swt) !
L'important est de ne pas perdre de vue
l'objectif de notre vie terrestre à atteindre ,
c'est à dire la connaissance etl'adoration d'Allâh(swt)!!!!!!!!!
wa salam

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La raison : aller-retour entre connaissance des textes et savoirs temporels
21/11/2007 19:10
La raison : aller-retour entre connaissance des textes et savoirs temporels
Si les enseignements de l'islam sont globaux (shâmil) et s'ils intéressent toutes les sphères de l'activité humaine, cela ne veut pas dire que la raison humaine n'ait aucun travail à effectuer pour les comprendre et les appréhender dans une dynamique liée au contexte.
Découvrir le fonctionnement du monde, en rechercher les explications et expérimenter de nouvelles possibilités : l'homme a la liberté de tirer profit des ressources du monde, en quelque sorte de chercher à maîtriser la nature. Pour ce faire il est naturellement amené à développer, par les moyens de l'observation et de l'expérimentation, les savoirs liés aux lois physiques, biologiques, liés aux sociétés humaines, etc. Cependant l'homme a le devoir de faire tout ceci sans oublier le but réel de sa vie, qui constitue un objectif bien plus élevé que celui de rester seulement dans le monde de la matière : il s'agit de développer un lien vivant avec Dieu et d'agir pour la justice et la fraternité humaine, dans le cadre d'une modération de l'utilisation des ressources de la terre. Pour ce faire Dieu(swt) lui a fourni une lumière(celle de la révélation) qui vient renforcer, préserver et orienter celle de son cœur. Dans les sources de cette lumière, l'homme entend puiser la connaissance du sens de sa vie et des limites à respecter pour une vie de modération, de fraternité, de justice et d'équilibre. Le principe premier étant la permission originelle, l'homme peut inventer de nouveaux outils et de nouvelles choses, peut adopter des coutumes, pourvu qu'il les marie harmonieusement avec les règles et les principes présents dans les sources. La vision que l'homme a du monde(le sens de sa vie et de l'existence)ainsi que les repères, orientations et limites pour les modalités du déroulement de cette vie sont donc touchés par ce que soufflent les sources de la révélation(le Coran et la Sunna.) Ces Textes fournissent à la conscience et à la raison humaines les principes éthiques (orientations et limites) destinés à gérer l'application de tout ce que la technique rend possible : c'est ainsi que, du point de vue musulman, l'homme parviendra à maîtriser sa maîtrise de la nature. C'est bien ce que le Prophète(saw) avait enseigné à Mu'âdh ibn Jabal :
-«Selon quoi jugeras-tu lorsque le besoin s'en présentera ?»
-«Selon le Livre de Dieu(swt)», avait répondu Mu'âdh.
– « Et si tu ne trouves pas (de solution explicite) dans le Livre de Dieu(swt) ?»
–« Je jugerai alors selon les Hadîths du Messager de Dieu(swt)», avait répondu Mu'âdh.
– « Et si tu ne trouves pas (de solution explicite) dans les Hadîths du Messager de Dieu(swt) ?»
–« Je ne manquerai alors pas de faire un effort de réflexion (ijtihâd) pour formuler mon opinion», avait répondu Mu'âdh." Sur quoi le Prophète avait manifesté son approbation en ces termes : -«Louange à Dieu qui a guidé le messager du Messager de Dieu vers ce qu'agrée le Messager de Dieu(swt)» (rapporté par at-Tirmidhî et Abû Dâoûd, voir aussi A'lâm ul-muwaqqi'în, tome 1 pp. 49-50).
Jusqu'ici il s'est agi, pour la raison humaine, d'intégrer les choses temporelles aux règles présentes dans les textes des sources, les textes fournissant à la raison et à la conscience humaines les principes éthiques (orientations et limites) destinés à gérer l'application de tout ce qui, dans lemonde, est en soi possible. C'est ce qui s'appelle l'ijtihâd inshâ'î.
Mais qu'en est-il des règles présentes dans ces textes eux-mêmes ?
Ces règles-là doivent-elles être appliquées telles quelles, de façon littérale – la raison se contentant de recevoir passivement ?
Une telle conclusion serait hâtive. En effet, les Textes étant parfois explicites et parfois pas, la raison humaine a le devoir de lire ces textes, de les comprendre et d'aller en extraire les principes qu'ils recèlent ; c'est l'ijtihâd bayânî.
De plus, l'approfondissement dans la compréhension des Textes et des principes qu'ils véhiculent, de même que la meilleure adéquation possible de ces principes au réel du monde concret, demandent que la raison humaine fasse de ces Textes une lecture éveillée et souvent renouvelée.
Premièrement) Concernant les textes offrant des conceptions des choses :
Ainsi, comme Maurice Bucaille l'a écrit, il arrive qu'à propos de passages coraniques en rapport avec des données de la science, des "commentateurs anciens" aient "à leur époque" donné préférence, au sujet d'un mot arabe présent dans le texte coranique et "possédant plusieurs sens possibles", à un sens donné, alors qu'un autre sens, plus adéquat, "apparaît seulement de nos jours grâce [aux] connaissances scientifiques". Se figer alors sur l'ancienne interprétation c'est faire en sorte qu' "un scientifique serait en droit d'émettre – apparemment à juste titre des critiques que le Livre ne mérite pas en réalité". Se pose donc, conclut Bucaille, la question de la permanente relecture de certains passages de traductions ou de commentaires (La Bible, le Coran et la science, p. 121). Bucaille a traité dans son ouvrages de quelques passages coraniques de ce genre, un exemple en étant celui qui parle de "nutfatin amshâj" (Coran 76/2) (Ibid., pp. 202-203).
A propos de nombreux récits coraniques, le savant indien as-Syôharwî a fait de même : une relecture du passage coranique, un passage en revue des différents avis ayant été présentés au cours des siècles sur le sujet, une référence aux recherches historiques et archéologiques contemporaines, et finalement la préférence donnée à un des avis anciens, voire parfois à un avis contemporain – quand plusieurs avis anciens existaient déjà à propos d'un point donné.
Ainsi, à propos des passages coraniques évoquant Dhu-l-Qarnayn et Gog et Magog, as-Syôhârwî a donné préférence à l'avis du musulman indien Abu-l-Kalâm Azâd (du 20ème siècle grégorien / 14ème siècle hégirien) : Dhu-l-Qarnayn est Cyrus II le Perse, et Gog et Magog étaient, pour ce qui est de son époque, les Scythes (voir Qassas ul-qur'ân, tome 3 pp. 121-171 et autres pages afférentes). L'ouvrage de as-Syôharwî, Qassas ul-qur'ân, est un excellent exemple de ce type de relecture des textes en tenant compte d'une part des différentes interprétations ayant été données par les savants et d'autre part des récentes recherches sur le sujet.
La faculté de raison se trouve-t-elle dans le cerveau ou bien dans le muscle cardiaque ?
Cette question fait l'objet, depuis les premiers siècles de l'Islam, d'avis divergents. Et aujourd'hui qu'il est démontré scientifiquement que le raisonnement se fait dans et par le cerveau, c'est à plus forte raison que l'on sera amené à adopter l'avis qui y correspond.
Deuxièmement) Concernant les texte offrant des règles :
Le principe est exactement le même pour les Textes qui contiennent des règles :
il est en soi possible pour la raison humaine d'approfondir la compréhension de ces Textes par une lecture qui tienne compte des autres savoirs du monde. Car s'il y a une partie des Textes qui sont tellement explicites que leur interprétation fait l'objet d'un consensus depuis quatorze siècles (c'est ce que j'ai appelé la "catégorie A"), s'il y a aussi, à propos des Textes, des cas où si divergence il y a eu de la part d'un savant, c'est clairement à cause d'une erreur de sa part (zallatu 'âlim) (c'est ce que j'ai appelé la "catégorie B.1"), il y a également un nombre impressionnant de Textes qui font l'objet de lectures différentes depuis quatorze siècles à cause d'une possibilité due aux textes eux-mêmes (c'est ce que j'ai appelé la "catégorie B.2", et c'est ce qui s'est passé à propos du Hadîth "Que personne d'entre vous n'accomplisse la prière de la fin d'après-midi sauf chez les Banû Qurayza", et le Prophète(saw) n'a pas reproché la présence de deux interprétations de son propos par ses Compagnons).
Ici, la raison humaine peut donc être amenée à lire les textes et à donner alors préférence à l'un de ces avis existants à la lumière de sa connaissance du contexte et de ses savoirs scientifiques. Al-Qardhâwî, qui ne se réclame pas d'une des quatre écoles juridiques constituées, écrit qu'il est possible, à propos de ces points où il y a divergence, "de donner préférence, à la fin, à celui de ces avis qui nous paraît le plus valide sur le plan de l'argumentation, et ce en fonction des critères de préférence".
Al-Qardhâwî énumère parmi ces critères :
-la correspondance avec les objectifs généraux de l'islam,
-la nécessité du contexte et la souplesse (Al-ijtihâd al-mu'âssir, p. 24, Sharî'at ul-islâm sâliha, p. 78). Et il parle bien d'avis relevant de la catégorie que nous avons appelée "B.2". Toujours à propos de cette même catégorie "B.2", voici maintenant les écrits d'un savant de l'école hanafite, Cheikh Khâlid Saïfullâh : "Il n'est pas contraire au fait de se réclamer d'une école juridique que d'adopter, à propos de certains points, l'avis d'une autre école quand cela est fait à cause du contexte et de la nécessité et non à cause d'un pur intérêt personnel" (Jadîd fiqhî massâ'ïl, tome 2 p. 21).
Khâlid Saïfullâh entend donc, pour sa part, rester dans le cadre général de l'école juridique de laquelle il se réclame(l'école hanafite)tout en adoptant ici et là l'avis de savants d'autres écoles, l'objectif étant également de tenir compte du contexte. Il a ainsi écrit à propos du mariage de jeunes filles non pubères que, compte tenu du contexte de l'Inde, il était possible de donner la fatwa sur l'avis d'un savant parmi les Pieux Prédécesseurs qui se nomme Qâdhî Shurayh (Islam aur jadîd mu'âsharatî massâ'ïl, p. 115). Shâh Waliyyullâh a d'ailleurs écrit : "(…) les ulémas n'ont pas cessé d'autoriser le fait que des muftis donnent la fatwa à propos des points qui font l'objet de divergences ("al-massâ'ïl al-ijtihâdiyya"), n'ont pas cessé de reconnaître le jugement rendu par les juges ("cadis") et n'ont pas cessé d'agir en certaines occasions selon un avis différent de celui de leur école" (Hujjat ullâh il-baligha, tome 1 p. 455). Au réformisme salafi fait ainsi écho le réformisme madh'habi. Tous deux entendent donner à la raison la possibilité de faire un double mouvement, entre les Textes et le contexte, même si, différemment du premier, le second préfère le faire en restant dans le cadre général d'une école juridique donnée.
Ceci constitue ce que certains savants contemporains ont nommé : l'ijtihâd intiqâ'ï.
Le fait que des savants donnent ainsi la fatwa sur un autre avis correspond concrètement à deux grands cas de figure : il s'agit de donner préférence soit à l'interprétation qui correspond le plus à l'esprit des Textes, soit à l'interprétation qui correspond le plus au contexte…
A) Une des interprétations du Texte correspond plus étroitement à l'objectif général (maqsad) présent dans les textes…
A.a) … et cette interprétation correspond concrètement à une précaution (ihtiyât) :
Certains illustres savants étaient d'avis que seul l'alcool de raisin est interdit en grande et en petite quantité ; quant aux autres alcools, ils sont interdits lorsqu'ils sont pris en quantité suffisante pour provoquer l'ivresse ; par contre, il n'est pas interdit d'en consommer en quantité tellement minime qu'elle ne provoque pas l'ivresse et à condition que ce soit pour une raison valable – davantage de force physique. Mais Shah Waliyyullâh et Ibn Rushd disent en substance ceci :« tous les savants sont unanimes à dire que l'alcool de raisin est interdit en grande comme en petite quantité ; or dire que l'alcool de raisin est interdit en grande comme en petite quantité, mais que l'alcool fait à partir d'autres produits est, lui, autorisé en petite quantité et interdit seulement en grande quantité, cela ne correspondrait pas à l'habitude du droit musulman, qui est de ne pas faire de différence entre deux choses semblables (voir Hujjat ullâh il-bâligha, tome 2 p. 438 et p. 509, Bidâyat ul-mujtahid, tome 2 p. 876). Cet avis paraît donc correspondre davantage au principe général des textes : "al-jam' bayn al-mutamâthilayn". C'est d'ailleurs pourquoi, au sein de l'école faisant cette différence entre alcool et alcool, la fatwa est donnée selon l'avis des savants disant que la consommation de tout alcool est interdite, même en petite quantité (avis de Muhammad ibn al-Hassan).
(Note : la citation de cet exemple dans cette catégorie A.a est possible si on se base sur l'avis des spécialistes du Hadîth selon qui le Hadîth rapporté par Abû Dâoûd, n° 3687, et at-Tirmidhî, n° 1866, n'est pas authentique (voir Bidâyat ul-mujtahid, voir aussi l'ouvrage de Cheikh Habîb ur-Rahmân al-A'zamî, Al-Albânî shudhûdhuhû wa akhtâ'uh) ; au cas où on prend l'avis d'autres spécialistes, selon lesquels ce Hadîth est authentique, cet exemple n'a pas sa place ici car il relève alors de la catégorie B.1 dont nous parlions plus haut.)
A.b) … et cette interprétation correspond concrètement à une facilité (yusr) :
Le verset qui fait allusion aux dhimmis dit d'eux qu'"... ils donnent la jizya "'an yadin" "wa hum sâghirûn"" (Coran 9/29). Que signifient les termes "dhimmis", "jizya" et "'an yadin". Ce qui nous intéresse est de savoir ce que signifie "wa hum sâghirûn" ? Saïd Ramadan écrit à ce sujet : "Une autre difficulté linguistique a également donné lieu à une polémique étendue. Le mot arabe "sâghirûn", par lequel cette injonction s'achève, est une dérivation du verbe "saghara", qui signifie "se soumettre" ou "être soumis à". La force de ce mot a cependant introduit une notion d'humiliation dans de nombreuses interprétations" (Le droit islamique, son envergure et son équité, Al-Qalam, Paris, 1997, p. 160).
Certains savants ont en effet compris de ce mot qu'il fallait que le dhimmi soit humilié. D'autres savants ont été d'avis que ce mot désignait "l'acceptation, par les non-musulmans, du cadre du droit du pays musulman". Ces deux explications concernant ce mot ont été citées par al-Mâwardî (Al-ahkâm as-sultâniyya, p. 182) (voir également Al-Hidâya, tome 2 pp. 577-578). Ibn ul-Qayyim a pris position sur ce point : il pense que la seconde interprétation est correcte : "La vérité à propos de ce verset est que le mot "saghâr" signifie "l'acceptation, par les non-musulmans, du cadre du droit musulman et leur acquittement de la jizya" ; évoquant l'interprétation disant qu'il s'agit d'humilier le dhimmi, il pense que "cela n'est pas fondé et ne découle pas du contenu de ce verset, et ce n'est pas non plus rapporté du Prophète ou de ses Compagnons qu'ils aient agi ainsi" (Ahkâmu ahl idh-dhimma, tome 1 pp. 23-24). Et cet avis semble correspondre plus que l'autre aux principes généraux demandant de bien agir envers le citoyen non musulman (les textes sont bien connus à ce sujet).
B) Une des interprétations du Texte correspond le plus à la situation de la société dans laquelle un groupe donné de musulmans vit…
B.a) … et cette interprétation correspond concrètement à une précaution (ihtiyât) :
Garder chez soi des représentations d'êtres animés faites sur une surface (et non dans du volume) (et ne montrant ni une chose adorée, ni une chose vénérée, ni de la nudité) et non exposée sur un mur ni sur un meuble mais traînant ici et là : l'école hanafite dit que cela est permis (voir Al-Hidâya, tome 1 p. 122, Shar'h ma'âni-l-âthâr, tome 4 p. 285) ; d'autres savants comme az-Zuhrî et Abû Bakr ibn ul-Arabî disent que cela est interdit : selon leur interprétation, on ne doit garder aucune image d'un être animé, que cette image traîne par terre ou bien qu'elle soit placée sur un meuble ou un mur (voir Fat'h ul-bârî et Shar'h Muslim). Ce n'est pas un hasard si, bien que l'école hanafite permette de garder des représentations d'êtres animés qui ne sont pas mises en valeur mais traînent ici et là, des ulémas hanafites de l'Inde les aient aussi interdites : dans un pays comme le leur, où fleurit l'adoration de multiples entités et où différentes représentations d'êtres animés servent de moyen à cette adoration, c'est là la voie de la sagesse et d'une légitime précaution.
Si l'interdiction de la spéculation (ihtikâr) fait l'unanimité chez les savants, il y a divergence entre ceux-ci à propos de la question de savoir à propos de quels types de marchandises le cas de spéculation est-il avéré ; ainsi, d'après Abû Hanîfa, l'interdiction de la spéculation ne concerne que les matières alimentaires ; selon Abû Yûssuf, par contre, cette interdiction concerne toute marchandise dont la cité a besoin et que le fait de ne pas vendre cause du tort aux habitants de cette cité (Al-Hidâya, tome 4 pp. 454-455). Par rapport au monde contemporain, où les écarts de niveaux de vie sont très marqués entre différentes classes sociales, certains savants ont donné préférence à l'avis relaté de Abû Yûssuf (voir Al-ijtihâd al-mu'âssir, pp. 31-32).
B.b) … et cette interprétation correspond concrètement à une facilité (yusr) :
Un nombre conséquent de savants considèrent que les versets parlant des cas de guerre dessinent ce qui fait la règle générale, et l'état normal des relations internationales est donc l'antagonisme ; la paix, dont parlent les autres versets, fait exception par rapport à la règle générale (voir par exemple Al-Hidâya, tome 2 pp. 538-539, Islâm aur jiddat passandî, pp. 102-109). Mais certains autres savants considèrent que ce sont les versets exhortant à la paix qui tracent en fait ce qui fait la règle et que c'est la paix qui est donc l'état normal des relations internationales ; quant aux cas de guerre évoqués dans les autres versets, ils constituent un cas exceptionnel et temporaire par rapport à l'état normal de paix. Ath-Thawrî et al-Awzâ'ï sont de cet avis (Al-'alâqât ad-duwaliyya fil-islâm, Wahba az-Zuhaylî, p. 94). Dans un monde tel que celui d'aujourd'hui, où les pays sont liés par des accords de paix et où ils ont signé des traités internationaux, certains savants ont donné la fatwa sur l'avis disant que la règle première est la paix (voir la problématique dans Al-ijtihâd al-mu'âssir, p. 33) : le nom des savants suivants peut à ce sujet être cité : Wahba az-Zuhaylî, Abû Zahra, Faysal al-Mawlawî, Saïd Ramadan al-Bûtî (voir respectivement Al-'alâqât ad-duwaliyya fil-islâm, p. 94, Al-'alâqât ad-duwaliyya fil-islâm, pp. 50-51, As-ussus ash-shar'iyya lil-'alâqât bayn al-muslimîn wa ghayr il-muslimîn, p. 13, Al-jihâd fil-islâm, p. 227).
D'après certains savants – parmi lesquels ceux de l'école hanafite –, seuls les cas de contrainte fondés sur une menace de perte de vie ou de blessures (ik'râh tâmm) font qu'il devient autorisé de faire ce qui – par rapport à ses devoirs vis-à-vis de Dieu – est normalement interdit ; une menace d'emprisonnement ou de coups légers ne constitue pas, selon ces savants, un cas de contrainte suffisante pour avoir le même effet juridique sur de tels actes (ik'râh nâqis) (lire Al-Hidâya, tome 3 p. 330, Al-fiqh al-islâmî, tome 6 pp. 4432-4433 et suivantes). Cependant, le savant Ibn Hazm considère pour sa part que tout ce qui constitue un cas de contrainte (ik'râh), de quelque nature que ce soit, rend autorisé ce qui – par rapport à ses devoirs vis-à-vis de Dieu – constitue normalement un péché : recevoir (de la part d'une personne dont on n'est pas certain qu'elle ne mettra pas sa menace à exécution) la menace d'être tué, ou d'être frappé, ou d'être emprisonné, ou de voir ses biens détruits ; de même, s'entendre dire que ces menaces – tuer, frapper, emprisonner, détruire des biens – seront exécutées sur un musulman autre que soi-même, ou sur quelqu'un d'autre (lire Al-Muhallâ, règles n° 1403, 1404, 1409). Or, quand on vit dans un pays, on est sous la contrainte de ce que la loi du pays déclare strictement obligatoire ou strictement interdit, parce qu'on risque l'emprisonnement ou une amende. Ainsi, certains types d'assurance sont interdits, et pourtant la loi de certains pays les rendent obligatoires pour des choses dont les citoyens ne peuvent pas se passer (location d'un toit, etc.). Si, sur ce point précis, on suivait strictement l'avis hanafite, on n'aurait absolument pas le droit de contracter une telle assurance, même face au risque d'être emprisonné (puisque ce genre de contrainte est insuffisant d'après l'école hanafite). C'est pourquoi des muftis donnent sur ce point la fatwa sur l'avis de Ibn Hazm et disent qu'on peut contracter cette assurance en gardant à l'esprit (i'tiqâd) qu'on ne le fait que parce qu'il y a contrainte (ik'râh) et en nous limitant au degré minimal rendu obligatoire par la loi du pays (adh-dharûra tataqaddaru bi qad'r idh-dharûra).
En islam, le bébé devient le "fils de lait" de la dame qui l'a allaité avant qu'il atteigne l'âge de deux ans ; il devient dès lors "frère de lait" de la fille de cette dame, fille avec laquelle il ne pourra jamais se marier (voir Coran 4/23). Selon l'avis de la plupart des savants musulmans, le simple fait qu'un bébé absorbe le lait maternel d'une dame donnée fait qu'il en devient le fils de lait, même si ce lait lui a été donné au biberon et que cette dame ne l'a pas "allaité" au sens où cela s'entend habituellement (voir par exemple Al-Hidâya, tome 2 p. 332).
D'après Ibn Hazm et quelques autres savants, toutefois, le bébé ne devient "fils de lait" d'une dame que s'il en absorbe le lait par le biais d'un "allaitement direct" (ilqâm uth-thad'y) ; d'après Ibn Hazm, prélever du lait maternel puis le donner au bébé par un biberon ne s'appelle pas "allaiter" (irdhâ'), et le bébé ne devient donc ni "fils de lait" de cette dame ni par conséquent "sœur de lait" de la fille de cette dame. Aujourd'hui, l'établissement de banques de lait maternel fait partie de la vie et rend d'énormes services dans certains cas, notamment celui des bébés prématurés. Khalid Saïfullâh a également parlé de ces banques (cf. Jadîd fiqhî massâ'ïl, tome 1 pp. 229-230, ou pp. 357-358 dans la nouvelle édition).
Or que va-t-il se passer avec ces banques de lait maternel ?
Le lait sera reçu de la part de dames volontaires, sera traité et stocké ; quand on donne au bébé le lait provenant de cette banque, on lui fait absorber un lait constitué des dons de dizaines de dames différentes : il faudrait, d'après le premier avis, que l'on prenne note du nom de chaque dame ayant, de telle période à telle période de telle année, donné son lait, afin que le bébé puisse éviter le risque de se marier plus tard avec une des nombreuses filles devenues ses "sœurs de lait" ! Autant dire que les bébés musulmans seront dans l'impossibilité de consommer le lait de ces banques et que celles-ci ne devront pas voir le jour en pays musulman. Sinon l'autre solution est celle que certains savants ont adoptée : ils ont, par rapport au point précis des banques de lait maternel, donné la fatwa sur l'avis de Ibn Hazm (voir Al-ijtihâd al-mu'âssir, p. 28, Fatâwâ mu'âssira, tome 2 pp. 550-556).
S'il est une nécessité pour le Chef d'un Etat musulman que de consulter les personnes voulues (peuple, commissions spécialisées, etc.), le résultat se dégageant de cette consultation (shûrâ) a-t-il, par rapport aux décisions du Chef d'Etat, un rôle purement consultatif (mu'lima) ou bien contraignant (mulzima) ?
Les deux avis existent chez les savants musulmans. Par rapport à la situation du monde contemporain, où la complexité des affaires sociales cohabite avec la soif d'une citoyenneté active et aussi, malheureusement, avec la tendance de certains personnages à la dictature, des savants ont donné la fatwa sur l'avis disant que le résultat se dégageant de la consultation (shûrâ) a un rôle contraignant (mulzima) pour le Chef d'Etat (voir Fatâwâ mu'âssira, tome 2 p. 651).
B.c) … et cette interprétation correspond concrètement à ce qui a été prouvé scientifiquement :
Certains savants parmi nos prédécesseurs étaient d'avis qu'en cas de litige entre deux hommes, chacun prétendant à la paternité d'un enfant né d'une femme non mariée, on ferait le possible pour démêler la vérité et rendre le jugement en fonction (qâfa, etc.) ; et au cas où la vérité serait impossible à trouver, l'enfant serait affilié aux deux hommes : c'est l'avis de Ahmad ibn Hanbal, de Abû Hanîfa, de Abû Yûssuf et de Muhammad ibn ul-Hassan (lire Zâd ul-ma'âd, tome 5 pp. 423-424 ; sauf que l'école hanafite ne considère pas la possibilité du recours à la qâfa dans un tel cas). Par contre ash-Shâfi'î était d'avis qu'un enfant ne peut être affilié qu'à un seul homme, et qu'aucune circonstance ne peut faire dérogation à cette règle (Ibid.). En fait les savants de ces premiers siècles pensaient que même une fois formé, l'œuf humain était "enrichi" par le sperme survenu à l'issue de relations intimes ultérieures, qu'il s'agisse du sperme de son concepteur ou du sperme d'un autre homme ; si le sperme d'un autre homme que son concepteur parvenait jusqu'à cet œuf, il avait lui aussi un effet sur lui ("yazîdu fî sam'ihî wa bassarih" : Zâd ul-ma'âd, tome 5 p. 425 et p. 730, Al-Hidâya, tome 2 p. 292, note de bas de page) ; en cas normal l'enfant n'était bien sûr affilié qu'à son concepteur, mais au cas où il était impossible de démêler la réalité, il pouvait donc être affilié à deux hommes différents. Or, on sait aujourd'hui qu'un seul spermatozoïde féconde l'ovule et que, une fois fécondé, celui-ci se transforme en œuf, lequel devient ensuite l'embryon qui, des mois plus tard, naîtra sous la forme d'un bébé ; on sait aussi qu'une fois formé, l'œuf humain possède en lui les gènes issus de l'ovule maternel et du spermatozoïde paternel et n'est en aucune manière influencé génétiquement par la venue ultérieure d'autres spermatozoïdes. Bien que plus savants dans le domaine de la connaissance des textes des sources – Coran et Sunna –, les illustres personnages des premiers siècles de l'islam n'avaient pas à leur disposition ce savoir fondé sur une observation scientifique récente, et ils avaient la conception que nous avons relevée plus haut ; c'est ce qui les amené à donner l'avis que nous avons vu. Ce n'est pas manquer de respect à la mémoire de ces anciens le fait que des savants contemporains, bien que de moindre stature qu'eux en terme de connaissances des textes des sources, mais sachant désormais ce qui a été prouvé par l'observation en la matière, donnent préférence ici à l'avis de ash-Shâfi'î : il correspond, sur ce point précis, à ce qui est désormais prouvé scientifiquement (lire Al-ijtihâd al-mu'âssir, p. 36).
Les écoles malikite et shafi'ite pensaient que la femme peut avoir des menstrues pendant la grossesse. Les écoles hanafite et hanbalite disaient, elles, que les traces de sang que la femme enceinte peut parfois apercevoir ne sont pas des menstrues. Or il est aujourd'hui prouvé scientifiquement que c'est ce second avis qui est juste. Az-Zuhaylî, pourtant shafi'ite, l'a lui-même écrit : "La médecine et la réalité corroborent cet avis" (Al-fiqh ul-islâmî wa adillatuh, tome 1 p. 613).
C) Quand deux interprétations existent depuis l'époque des premiers savants, une autre interprétation peut-elle voir le jour par la suite ?
Si, à propos d'une question donnée, divergence il y a eu entre les pieux prédécesseurs mais que seulement deux avis ont été formulés, y a-t-il la possibilité qu'un nouvel avis – un troisième – voie le jour ? Ce point fait l'objet de positions différentes entre les savants musulmans. Un nombre conséquent de savants pensent qu'un troisième avis ne peut pas voir le jour, car il y a eu une forme de consensus sur ces deux avis entre les prédécesseurs, un "consensus inclusif" ("ijmâ' dhimnî"). D'autres – les zâhirites – disent que, puisque divergence d'avis il y a eu, le point ne fait pas l'objet d'un réel consensus de la part des pieux prédécesseurs, et un autre avis peut donc être pensé par des savants postérieurs très compétents. D'autres, enfin, à l'instar de al-Amidî et Ibn ul-Hâjib, pensent qu'un nouvel avis peut voir le jour, mais en tant qu'autre synthèse pour concilier les textes différents étant à l'origine de la divergence ; il y a comme condition que le nouvel avis ne fasse pas disparaître la règle constituant le "dénominateur commun" des deux avis précédents, car ce dénominateur commun fait l'objet d'un réel consensus. C'est à cette troisième position que Wahba az-Zuhaylî a donné préférence (voir Ussûl al-fiqh al-islâmî, tome 1 pp. 492-494). C'est apparemment à cette position aussi que al-Qardhâwî adhère ; il a d'ailleurs cité quelques exemples d'avis ainsi nouvellement pensés (Al-ijtihâd al-mu'âssir, pp. 37-39).
D) Les règles qui font l'objet d'un consensus tellement les Textes dont elles sont issues sont explicites :
Si ici la raison ne va pas faire autre chose que se laisser orienter par ces règles consensuelles, elle va néanmoins les appréhender aussi dans une perspective qui sera en relation avec le monde : en effet, le rappel (da'wa) et l'application (tanfîdh) de ces règles doivent se faire en tenant compte des possibilités (qad'r ul-istitâ'ah), des priorités (al-awlawiyya) et de la nécessaire progressivité (tad'rîj). Un jour, Abd ul-Malik demanda à son père, Omar ibn Abd il-Azîz, le calife omeyyade célèbre pour sa justice et sa droiture : "Père, pourquoi n'appliques-tu pas [toutes] les choses ? Je ne me soucie pas que nous ayons à supporter des difficultés à cause de la vérité". Le père répondit : "Ne te presse pas, mon fils. Dieu a dans le Coran fait la critique de l'alcool deux fois et l'a interdit la troisième fois. Je crains que si j'applique brutalement aux gens tout ce qui est vrai, ils délaissent ensuite tout ce qui est vrai ; ce serait alors cause d'épreuve" (cité par ash-Shâtibî, Al-Muwâfaqât, volume 1 p. 402). Oh, il ne s'agit pas de devenir paresseux et, au nom de la progressivité, se donner bonne conscience en remettant tout à des lendemains toujours plus lointains ; il s'agit concrètement de faire une fine analyse des possibilités, puis, parmi ce qui est possible dans le contexte où l'on vit, de fixer les objectifs à atteindre, de tracer les moyens permettant leur réalisation et de déterminer les étapes en fonction des priorités (tahdîd ul-maqâssid, tahdîd ul-wassâ'ïl, tahdîd ul-marâhil) (lire à ce sujet As-siyâssa ash-shar'iyya fî dhaw'i nussûs ish-sharî'ah wa maqâssidihâ, pp. 298-307). La raison a donc du travail à faire dans ce domaine également.
Quatre précisions :
1) Bien que l'Occident affirme avoir libéré la raison humaine des entraves qu'elle connaissait auparavant dans son espace géographique et avoir rendu son autonomie au domaine de la recherche scientifique, tout le monde sait que ce sont les chercheurs et les spécialistes qui mènent des travaux dans ce domaine ; bon nombre des autres citoyens, conscients ne pas avoir les compétences voulues, se contentent de se renseigner auprès de ces spécialistes à chaque fois que le besoin s'en fait sentir et de profiter des applications pratiques de leurs travaux. Affirmer qu'il y a besoin, pour mener à bien des recherches dans un domaine donné, de compétences, ce n'est pas établir un clergé, puisque les compétences sont le fait d'études et que leur acquisition est ouverte à chacun. C'est la même chose en islam : quand nous disons "la raison humaine peut approfondir sa lecture des textes", nous parlons de la possibilité que l'islam donne à la raison humaine ; mais l'islam demande aussi que cette raison dispose des compétences voulues pour mener à bien ces recherches. Dire que la raison humaine est autonome et possède la faculté d'approfondir sa lecture des textes en fonction du contexte n'empêche donc pas que, dans les faits, les spécialistes de ce domaine mènent ces travaux ; ces spécialistes portent le nom de "muftis", "fuqahâ'", mujtahidûn fil-massâ'ïl" ; ils se concertent sur les résultats de leurs travaux, mais ils ne sont pas établis en hiérarchie ecclésiastique : au contraire ils s'interpellent souvent et font une critique constructive des avis les uns des autres ; de plus ils ne forment pas de classe séparée ou d'ordre distinct du reste de la société.
2) La lecture des textes ne doit pas se faire d'une façon qui conduirait à tout relativiser pour légitimer, par une interprétation tendancieuse des textes, tout ce qui se fait dans la société (Sharî'at ul-islâm sâliha, p. 145, pp. 137-139). C'est pourquoi nous musulmans entendons faire cette lecture dynamique de nos sources en nous référant simultanément aux Textes et aux interprétations faites par l'ensemble de nos pieux prédécesseurs, afin d'éviter de tomber dans le "tout relatif" (Sharî'at ul-islâm sâliha, pp. 77-78, Zâhirat ul-ghuluww, p. 15). Là où il y a consensus véritable, cela signifie que les textes sont fort explicites et que la règle faisant l'objet de ce consensus n'est pas liée à un contexte particulier (Sharî'at ul-islâm sâliha, p. 105). De plus, là où il n'y a pas consensus, il ne s'agit pas de donner préférence à un des avis présents ne doit pas se faire à cause de sa seule petite idée, sans recherche, réflexion et consultation aucunes. Al-Qardhâwî écrit : "Je ne suis pas du nombre de ceux qui disent qu'il est permis d'adopter tout avis juridique pour peu qu'il a été avancé par un savant au cours des siècles, sans même faire de recherche à propos de l'argumentation sur laquelle cet avis repose (…)" (Al-ijtihâd al-mu'âssir, p. 24).
Comment les choses doivent-elles donc se passer ?
Là où l'avis divergent s'apparente à une erreur d'un des juristes (zallatu 'âlim), il faut revenir à ce que disent les Textes et délaisser cet avis (Sharî'at ul-islâm sâliha, p. 79) (c'est la catégorie B.1 que nous évoquions plus haut). Et à propos de là où la divergence d'avis relève d'une réelle pluralité d'interprétations (c'est la catégorie B.2), al-Qardhâwî écrit : "Ce à quoi j'appelle est que nous comparions les avis et que nous nous référions à leur argumentation(que celle-ci soit un texte ou un raisonnement fait sur la base d'un texte), afin de donner préférence, à la fin, à celui de ces avis qui nous paraît le plus valide sur le plan de l'argumentation, et ce en fonction des critères de préférence" ;
il énumère parmi ces critères : la correspondance avec les objectifs généraux de l'islam, la nécessité du contexte et la souplesse (Al-ijtihâd al-mu'âssir, p. 24). Il écrit également qu'il s'agit non pas de se précipiter pour donner la fatwa parce qu'on pense que ce serait bien ainsi, mais qu'il y ait un vrai et profond travail de recherche sur les argumentations de chaque avis (Idem, p. 98). Il écrit enfin que le mieux serait que les recherches individuelles de ces grands savants soit compétée par des réunions de travail, des échanges de réflexion et la mise en place de conseils de fatwa où différents savants compétents pourraient débattre librement de leurs avis respectifs et s'interpeller (Idem, pp. 103-106).
3) Si la méthodologie du réformisme madh'habî en matière de préférence donnée à d'autres avis est comparable à celle du réformisme salafî, une différence subsiste entre les deux dans la mesure où le premier entend rester dans le cadre d'une école juridique précise. La voie de Khâlid Saïfullâh est ainsi de donner à la raison les possibilités que nous avons vues ci-dessus, tout en conservant le cadre général d'une école juridique donnée, tandis que la méthode de al-Qardhâwî est de donner à la raison ces possibilités sans rester dans le cadre général d'une école juridique donnée. En ce qui me concerne personnellement, je suis plus proche de la voie de Khalîd Saïfullâh. Shâh Waliyyullâh – dont nous avons vu l'écrit plus haut quant à la possibilité que les ulémas ont toujours conservée de donner la fatwa sur des avis présents auprès de savants d'autres écoles – a également écrit à propos du fait de suivre une école juridique donnée : "Il y a en cela des bienfaits qui sont clairs, spécialement aujourd'hui où les ardeurs à l'effort ont diminué, où les âmes s'adonnent abondamment à la recherche du plaisir, et où chacun se complaît dans son avis personnel" (Hujjat ullâh il-bâligha, tome 1 p. 442).
4) Personnellement je n'ai jamais prétendu possèder les compétences voulues pour l'exercice dont nous parlons ; c'est bien pourquoi je me contente de citer les avis des savants : "Khâlid Saïfullâh a sur ce point donné préférence à tel avis", "Az-Zuhaylî a donné préférence à telle opinion", etc. Dans l'article "Est-ce le cerveau ou le coeur qui est le siège de la raison", j'ai certes proposé sur deux points une proposition personnelle, mais j'ai explicitement écrit : "Prière aux frères et soeurs compétents d'en faire une critique constructive". A propos des "choses douteuses", j'ai aussi cité une synthèse personnelle, mais je l'ai indiqué explicitement et ai relaté que si je l'ai écrite c'est parce que mon professeur l'avait appréciée.
Conclusion :
Ainsi, certes, d'un côté la raison – en fait "le cœur avec l'accompagnement duquel on raisonne" – est amenée à recevoir, des textes de la révélation, d'une part les croyances qui coloreront sa perception des découvertes scientifiques et d'autre part les règles et principes qui orienteront l'application des possibilités techniques. Cependant, d'un autre côté et parallèlement, cette raison est amenée à approfondir la lecture de ces textes à la lumière de l'approfondissement des savoirs scientifiques dans le monde. Le mouvement de la raison est donc double : d'une part, puiser dans les textes de quoi s'orienter dans sa compréhension du monde, et, d'autre part, tenir compte des savoirs et de la réalité du monde pour approfondir sa compréhension des textes. S'il y a donc orientation de la raison par la lumière des textes, il y a aussi, parallèlement, lecture des textes à la lumière du monde.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).
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Les bénéfices de la sourate Al-Kahf
21/11/2007 17:54
Très bonne journée de «jomou'a » (Vendredi ) à tous!!
Qu'ALLAH accepte toutes nos prières ! Efface nos péchés, nous guide vers le droit chemin et nous accorde comme demeure éternel
le Paradis "Al Firdaws" AMINE !!!
Un petit rappel incha'ALLAH :
Aoù Said Al-Khoudri (raa) a rapporté que le Messager d'ALLAH (paix et salut d'Allah(swt)sur lui) a dit: «Celui qui lit la sourate Al-Kahf (la caverne) un vendredi, l'éclairera jusqu au vendredi suivant.» [hadith authentique]
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